Changement climatique et ressource en eau

2021 | Dossier

Résumé

Les impacts du changement climatique sur les paramètres météorologiques dans le Sud-Ouest de la France aggraveront la pénurie actuelle d’eau et conduiront à un manque d’eau chronique avec pour conséquence une transformation radicale des territoires et des activités humaines. Des actions d’adaptations proactives permettront de limiter les conséquences néfastes de ces évolutions.

Contexte

L’entrée dans l’ère industrielle s’est traduit par l’utilisation massive des ressources fossiles et une formidable accélération de la croissance. Ainsi, la production alimentaire, industrielle, énergétique, les transports et nos modes de vies ont connu de grands bouleversements tout en accroissant la dépendance à ces ressources et les émissions de gaz à effet de serre.

L’augmentation de ces concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère conduit à un changement climatique qui va transformer radicalement les milieux naturels, les espaces de vie et les activités socioéconomiques cela pendant plusieurs siècles. Par sa vitesse et par son intensité, le changement climatique va mettre à rude épreuve la capacité d’adaptation des écosystèmes et des sociétés humaines.

Pour limiter l’ampleur de ces impacts, une série d’actions dites d’atténuation vise à s’attaquer aux causes du changement climatique en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. Ce sont particulièrement ces actions qui font l’objet de débats intenses au sein des conférences des parties (COP) organisées chaque année.

Les impacts sur les territoires sont toutefois inévitables et s’avèrent critiques pour les zones les plus vulnérables. Non seulement les impacts climatiques se rajoutent aux pressions anthropiques locales croissantes qui s’exercent sur la biodiversité, les ressources et les milieux naturels, mais ils affectent également les populations, les infrastructures et les activités sociales, économiques et culturelles. On attend, dans le bassin Adour Garonne, une hausse de la population de l’ordre de 1,5 million d’habitants d’ici à 2050.

Les impacts actuels et à venir et les solutions possibles pour réduire les conséquences néfastes du changement climatique ont fait l’objet de nombreux travaux de recherche et sont rassemblées dans les rapports du Giec.

Évolution constatée des émissions mondiales du seul CO2 de 1860 à 2012, en millions de tonnes (https://jancovici.com )

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a été créé en 1988 en vue de fournir des évaluations détaillées de l’état des connaissances scientifiques, techniques et socio-économiques sur les changements climatiques, leurs causes, leurs répercussions potentielles et les stratégies de parade. Le Giec produit des rapports de synthèse sur l’état des connaissances validés par les gouvernements de tous les pays du monde. Dans son dernier rapport (2021), le Giec a présenté 5 scénarios d’émissions et leurs conséquences en termes d’augmentation de la température à l’horizon 2100 :

le SSP1-1.9 : scénario très ambitieux pour représenter l’objectif 1,5°C de l’Accord de Paris ;

le SSP1-2.6 : scénario de développement durable ;

le SSP2-4.5 : scénario intermédiaire ;

le SSP3-7.0 : scénario de rivalités régionales ;

le SSP5-8.5 : poursuite du développement actuel basé sur les énergies fossiles.

Emissions de CO² dans les cinq scénarios (GIEC, 2021)

Augmentation de la température de surface dans chaque scénario par rapport aux niveaux de 1850-1900 (GIEC, 2021)

En parallèle de ces rapports à l’échelle globale, de nombreuses expertises des évolutions et des impacts diligentées à l’échelle locale confirment des tendances. Pour le Sud-Ouest de la France, les problématiques de l’eau sont particulièrement concernées. Le bassin Adour-Garonne va connaître des modifications hydrologiques majeures, avec des répercussions importantes pour la gestion de l’eau et pour les milieux aquatiques.

En effet, d’ici 2050, les 7 modèles que l’Agence de l’eau a mobilisés pour établir un bilan en 2021 convergent pour prédire :

  • Une augmentation de la température moyenne annuelle de l’air d’au minimum + 2°C ;
  • Une augmentation de la fréquence des situations extrêmes (sécheresses, crues et inondations) ;
  • Pas d’évolution sensible du cumul annuel de précipitations ;
  • Une baisse moyenne annuelle des débits naturels des cours d’eau comprise entre -20 % et -40 % et de l’ordre de -50 % en périodes d’étiage qui seront plus précoces, plus sévères et plus longues ;
  • Une diminution de la durée d’enneigement sur les massifs dans lesquels la disparition des derniers glaciers va s’accompagner d’une diminution de leur contribution aux débits d’étiage ;
  • Une augmentation de l’évapotranspiration (des sols et de la végétation) comprise entre +10 % et +30 % ;
  • Une augmentation induite de la sécheresse des sols ;
  • Une tendance à la baisse de la recharge des nappes, très variable selon les secteurs et le type de nappes, allant de +20 % à -50 % ;
  • Une augmentation également significative de la température des eaux de surface (déjà réelle aujourd’hui : +1,5°C en 40 ans) ;
  • Une élévation du niveau de l’océan, de l’ordre de 21 cm (et de façon très probable comprise entre 60 cm et 1 m en 2100).

Evolution des débits à l’horizon 2050 (AEAG, 2021)

Ces impacts se font déjà sentir aujourd’hui, mais le déséquilibre hydrologique entre besoins et ressources actuellement estimé entre 200 et 250 millions de m³ reste sans commune mesure avec le potentiel déficit en 2050 estimé à 1,2 milliard de m3 en 2050 par le seul effet du changement climatique (à stocks, objectif environnemental et usages constants). Dans le prolongement de ces tendances, à l’horizon 2100, le Grand Sud-Ouest risque de connaître des sécheresses agricoles prolongées et de fortes intensités, totalement inédites pour le territoire.

Les sécheresses recouvrent plusieurs phénomènes qu’il est nécessaire de distinguer. On compte ainsi quatre types de phénomènes:

La sécheresse météorologique correspond à un déficit prolongé de précipitations;

La sécheresse agricole se caractérise par un déficit en eau des sols superficiels, suffisant pour altérer le bon développement de la végétation. Elle dépend des précipitations et tient compte de l’évaporation des sols et de la transpiration des plantes. La sécheresse agricole est donc sensible aux précipitations, à l’humidité et à la température de l’air, au vent, mais aussi à la nature des plantes et des sols;

Projections climatiques des sécheresses en France (Météo France, Climat HD, 2021)

La sécheresse hydrologique se manifeste lorsque les lacs, rivières ou nappes souterraines montrent des niveaux anormalement bas. Elle dépend des précipitations, mais aussi de l’état du sol influant sur le ruissellement et l’infiltration. Le réseau hydrographique détermine les temps de réponse aux déficits de précipitations observés sur différentes périodes;

La sécheresse géotechnique est une période de longueur variable, caractérisée par un déficit pluviométrique plus ou moins marqué et se traduisant par une diminution de la teneur en eau de l’horizon du sous-sol.

Source : Donald A. Wilhite & Michael H. Glantz (1985) Understanding: the Drought Phenomenon: The Role of Definitions, Water International, 10:3, 111-120.

Tous ces impacts sont également très dépendants et à mettre en perspective avec les évolutions de la démographie sur le bassin (+1,5 million sur le territoire d’ici 2050), le contexte économique et les politiques de gestion de l’eau sur le secteur agricole. D’éventuelles stratégies régionales de relocalisation d’activités industrielles ou alimentaires renforceront les besoins de ressources. Plus globalement, les actions qui pourront être entreprises à l’échelle internationale auront également des conséquences importantes.

Il est à noter que le changement climatique a un impact plus indirect en introduisant une nouvelle complexité dans la gestion de l’eau puisqu’il faut à présent composer avec le temps long, les projections climatiques et des incertitudes importantes.

L’adaptation en réponse aux impacts du changement climatique

Au regard de l’intensité des impacts, l’atténuation n’apparaît plus comme une réponse suffisante pour lutter contre les changements climatiques et oblige à recourir au second type d’action de lutte contre le changement climatique : l’adaptation.

Des actions politiques ont été entreprises en ce sens à différents niveaux. A l’échelle internationale et européenne, les décisions au sein des Conférences des Parties et la stratégie d’adaptation de l’Union européenne tracent les voies pour l’adaptation au changement climatique. A l’échelle nationale, La politique d’adaptation récemment déclinée dans le 2ème plan national d’adaptation déploie un cadre d’action à plusieurs niveaux.

L’adaptation au changement climatique se traduit aussi dans les politiques et schémas régionaux, dans les actions sectorielles et locales. L’adaptation est ainsi une composante majeure des actions à mener dans le cadre des plans climat-air-énergie territorial et monte en puissance dans les politiques de l’eau. Enfin les acteurs privés et les individus se mobilisent aussi pour agir de manière plus ou moins organisés, par exemple à travers l’évaluation et la contention de leur empreinte climat ou de leur empreinte eau.

Politique d’adaptation française (Onerc, 2021)

L’adaptation au changement climatique est donc nécessaire et déjà en cours. Paradoxalement, sa définition reste complexe et sujette à des évolutions au gré de l’évolution des connaissances scientifiques. Le Giec la définit comme la démarche d’ajustement au climat actuel ou attendu, ainsi qu’à ses conséquences. Pour les systèmes humains, il s’agit d’atténuer les effets préjudiciables et d’exploiter les effets bénéfiques. Pour les systèmes naturels, l’intervention humaine peut faciliter la réduction des vulnérabilités et réduire les conséquences possibles. Autrement dit, les objectifs de l’adaptation sont d’anticiper les impacts du changement climatique, de limiter leurs dégâts éventuels en intervenant sur les facteurs qui contrôlent leur ampleur et de profiter des opportunités potentielles.

Si ces adaptations visent toujours à réduire les effets négatifs, elles peuvent être classées en trois grandes catégories :

  • Adaptation autonome ou spontanée: adaptation en réponse à un aléa climatique vécu ou à ses effets, sans aucune préméditation explicite ou consciente et axée sur la lutte contre le changement climatique.
  • Adaptation par ajustement: mesures d’adaptation ayant pour objectif principal le maintien de la nature et de l’intégrité d’un système ou d’un processus à une échelle donnée. Ce type d’adaptation est proche de la résilience.
  • Adaptation transformationnelle: adaptation qui change les éléments fondamentaux d’un système en réponse au climat et à ses effets. Cette adaptation vise une transition et à agir sur la cause de la vulnérabilité.

La compréhension des différents types d’adaptation et leur articulation s’avère essentielle dans une perspective d’évaluation des coûts et de définition de plan d’action. En complément, la gestion adaptative promue par le GIEC est un cadre plus global pour penser les actions d’adaptation. Ce type de réponse correspond au processus de planification, de mise en œuvre et d’amendement de stratégies, par approximations successives, permettant de gérer les ressources dans un contexte d’incertitude et de changement. La gestion adaptative consiste alors à ajuster les méthodes employées en fonction des effets et des changements observés que subit un système, qui découlent des effets de rétroaction résultants et d’autres variables.

Les concepts en lien avec l’adaptation

L’exposition renvoie à la présence de personnes, de moyens de subsistance, d’espèces ou d’écosystèmes, de ressources et de services environnementaux, d’éléments d’infrastructure ou de biens économiques, sociaux ou culturels dans un lieu susceptible de subir des dommages.

La vulnérabilité est la propension ou prédisposition à subir des dommages. Cela englobe divers concepts, notamment les notions de sensibilité ou de fragilité et l’incapacité de faire face et de s’adapter.

La capacité d’adaptation est la faculté d’ajustement des systèmes, des institutions, des êtres humains et d’autres organismes, leur permettant de se prémunir contre d’éventuels dommages, de tirer parti des opportunités ou de réagir aux conséquences.

La capacité de faire face (coping capacity) est l’aptitude des personnes, des institutions, des organisations et des systèmes à réagir efficacement à des situations difficiles et à les surmonter, à court et à moyen terme, en s’appuyant pour cela sur leurs compétences, leurs valeurs, leurs croyances, leurs ressources et d’éventuelles opportunités.

La maladaptation correspond aux mesures d’adaptation inadéquates pouvant conduire à une augmentation du risque de conséquences néfastes associées au climat, à une augmentation de la vulnérabilité aux changements climatiques ou à une dégradation des conditions de vie, à présent ou dans le futur.

La résilience est la capacité des systèmes sociaux, économiques et environnementaux à faire face à une évolution, à une perturbation ou à un évènement dangereux, permettant à ceux-ci d’y répondre ou de se réorganiser de façon à conserver leur fonction, leur identité et leur structure fondamentales tout en gardant leurs capacités d’adaptation, d’apprentissage et de transformation.

Source : Glossaire GIEC

La plateforme se donne pour mission de répondre aux besoins techniques, scientifiques et organisationnels concernant l’adaptation à la baisse et à la plus grande variabilité de l’hydrologie et de permettre de limiter l’effet des sécheresses sur les écosystèmes comme sur les usages. Plus concrètement, par son action de communication et de mise en réseaux des acteurs, la plateforme diffuse les options d’adaptations innovantes ou confirmées pouvant être essaimées sur le territoire. Les informations que vous trouverez sur ce site sont là pour vous aider dans ces démarches.

 

crédits photos : Didier Taillefer/Smeag

Dernière modification le 17/03/2022

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