Économiser l’eau grâce à la distribution de kits hydro-économes dans les foyers
COLLECTIVITÉS, PARTICULIERS, AEP, USAGES DOMESTIQUES
2021 | FICHE, RETOUR D’EXPÉRIENCE
Résumé
Des kits hydro-économes distribués dans les foyers girondins permettent une économie d’eau moyenne de 12% par foyer équipé.
La Gironde a distribué 80 000 kits hydro-économes en eau dans près de 400 communes, dans le cadre du SAGE des Nappes profondes (nappes soumises à une pression d’usage excessive), en accompagnant cette opération d’une communication pédagogique soignée. Le suivi mis en place permet d’évaluer l’économie d’eau à plus de 700 000 m3 par an, grâce à une réduction de 12% de la consommation chez les ménages équipés.
Contexte
Au début des années 2000, le département de la Gironde, fort de son attractivité, est confronté à une augmentation continue de sa population et à un déséquilibre quantitatif croissant de ses ressources en eau. Les nappes, qui fournissent 96% de l’eau potable, sont surexploitées. Face à ces constats et aux actions de planification déjà menées en Gironde (SAGE Nappes Profondes), le projet MAC Eau (2012-2017) avait pour objectif de proposer plusieurs actions expérimentales reposant sur une modification des usages, la maîtrise des consommations en eau potable, ainsi que la réduction des pertes sur les réseaux d’alimentation en eau potable. Le Département de la Gironde coordonne le projet MAC Eau et les principaux partenaires sont le Syndicat Mixte d’Études et de Gestion de la Ressource en Eau du Département de la Gironde (SMEGREG, porteur du SAGE), la Ville de Mérignac et le Syndicat Intercommunal d’Adduction en Eau Potable du Blayais (SIAEP du Blayais). Le projet Européen Life + Environnement MAC Eau a débuté en juillet 2012 pour une durée de 5,5 ans.
Problématique et objectifs
Afin de réduire les consommations d’eau et modifier les habitudes, et conformément aux objectifs assignés par le SAGE Nappes Profondes, le but du projet était d’agir sur les habitudes de consommation, de sensibiliser les usagers à l’impact de celles-ci et mesurer l’impact d’actions d’économies d’eau.
La réponse apportée
Plusieurs actions ont été menées : installation de récupérateurs d’eau de pluie, de modulateurs de pressions sur les réseaux publics, de kits hydro économes dans des bâtiments publics, animation et sensibilisation, suivi et bilan. Chaque action a fait l’objet d’un suivi en vue d’une évaluation.
L’équivalent de 80 000 kits hydro-économes, qui s’installent sur différents points d’eau (robinets, douches, WC), a été distribué gratuitement aux particuliers intéressés. L’objectif était double : faire évoluer leurs habitudes de consommation mais aussi suivre et mesurer l’impact de l’installation des kits sur les consommations et les prélèvements en eau potable.
Le kit se composait d’une douchette ou de réducteurs de débit pour la douche, de deux mousseurs pour éviers et lavabos et, si besoin, d’un sac-WC. Il était adapté à la taille et aux équipements des ménages. De tels kits permettent d’économiser, dans le meilleur des cas, jusqu’à 40% d’eau dans un foyer.
La distribution s’est déroulée sur 26 mois et a mobilisé, sur la base du volontariat, plus de 72% des communes Girondines, soit 393 communes représentant 509 000 abonnés directement concernés sur les 582 000 du territoire. Près de 60 000 foyers ont été équipés.
Pour l’opération de distribution, les porteurs du projet se sont appuyés sur des acteurs locaux (syndicats des eaux, collectivités, bailleurs sociaux, associations, etc.). Cela a permis d’agir en proximité et d’engager les acteurs du territoire sur la préservation de la ressource. Une grande majorité des distributions a été accompagnée de réunions publiques de lancement ainsi que des permanences spécifiques. Chaque usager récupérant un kit a rempli un formulaire décrivant son foyer et autorisant l’utilisation de ses données de consommations relevées par le gestionnaire.
Le SMEGREG a mobilisé en interne 2 agents pour la distribution, la collecte des données et leur analyse. La Ville de Mérignac, particulièrement impliquée, a mené la distribution sur sa commune auprès de ses habitants. Le Département de la Gironde a également participé aux actions de distribution, soit lors de permanences soit lors d’évènements spécifiques.
La distribution a nécessité le recrutement de services civiques afin de participer à la distribution puis au retour des kits non distribués.
La distribution des kits a permis d’ÉCONOMISER A MINIMA 12% D’EAU POTABLE par an et par foyer participant, soit une économie de 700 000 à 800 000 m3/an pour l’ensemble du territoire.
Analyse des résultats
L’analyse des résultats par socio-type montre que les plus fortes économies s’observent :
- essentiellement dans les maisons, plutôt que les appartements (pour ce second cas cependant l’échantillon ayant pu être analysé est de taille plus réduite).
- dans les foyers de célibataires, et dans une moindre mesure dans les foyers de 2 personnes. Selon la taille de la commune, l’opération n’a pas eu le même impact.
L’économie d’eau réalisée a été plus forte dans les communes de moins de 2000 habitants (économie de 16%), et plus faible dans les communes de la métropole bordelaise (4%) (cf. ci-dessous).
- Efficacité et lisibilité de la communication autour de l’opération,
Typologie de l’habitat : foyers moins nombreux, appartements plus rares,
Antériorité : foyers moins équipés au démarrage de l’opération.
- Communication noyée dans un flot d’informations
Consommations déjà faibles au démarrage de l’opération (foyers plus fortement équipés)
Plus forte proportion des appartements
Approche économique
Un coût unitaire de 6 € TTC est à l’origine prévu pour l’achat des kits. Mais ce coût ne prend pas en compte le matériel complémentaire à ajouter pour personnaliser le kit en fonction des besoins de l’abonné, et faire face à la diversité des types d’habitats (plusieurs salles de bain, lavabos, éviers et toilettes). Les kits distribués peuvent ainsi être complétés par du matériel dépareillé. Sont donc disponibles à l’unité (dans la limite de 3 douches et baignoires, 6 robinets et 3 toilettes) :
– des régulateurs de débit douche ;
– des mousseurs pour robinet ;
– des sacs WC (en l’absence de chasse d’eau double commande).
Dans certains cas des douchettes ont été distribuées à l’unité, mais dans des quantités très limitées, du fait du coût supérieur par rapport au simple réducteur de débit.
Trois des partenaires MAC Eau sont chargés de distribuer le matériel :
– le Département dispose d’un budget de 12 000 € pour l’achat de 2 000 kits ;
– la commune de Mérignac dispose d’un budget de 60 000 € pour l’achat de 10 000 kits ;
– le SMEGREG dispose d’un budget de 408 000 € pour l’achat de 68 000 kits.
Grâce à ce projet, le rapport coût efficacité du m3 économisé a été évalué à 0,16€/m3 économisé/an (durée de vie des équipements : 5 ans), soit une des valeurs les plus basses comparées à d’autres actions d’économie d’eau.
Le projet européen LIFE + MAC Eau est financé à 50% par l’Union Européenne, 20% par l’Agence de l’Eau Adour-Garonne et à 10% par la Région Nouvelle Aquitaine.
Limites et conditions de réussite
Les équipements doivent permettre de diminuer le débit d’eau (pour les mousseurs ou les réducteurs de débit douche) ou le volume d’eau utilisé dans les toilettes, sans que cela n’entraîne une perte de confort pour les utilisateurs. Un trop faible débit pourrait par exemple induire le retrait et la non utilisation des équipements.
Le matériel distribué a été adapté aux besoins des abonnés (taille du foyer, équipements existants). Cette adaptation du matériel est nécessaire pour garantir la réduction de consommation apportée par le kit. Mais elle présente deux inconvénients majeurs :
– elle complexifie la distribution : une distribution au cas par cas est alors nécessaire, les personnes effectuant la distribution doivent bénéficier d’une formation, le temps de distribution par kit est allongé car les agents doivent adapter le matériel remis aux caractéristiques de l’habitat de l’abonné.
– elle nécessite des moyens financiers plus importants : au coût des kits s’ajoute le coût du matériel dépareillé inséré. En moyenne, un kit moyen revient alors, non plus à 4,42 € TTC (kit n°2) ou à 5,98 € TTC (kit n°1), mais à 7,20 € TTC.
Par ailleurs, toutes les collectivités n’ont pas participé à la démarche. Certains syndicats ont refusé en arguant explicitement qu’ils n’étaient pas en mesure d’assumer les baisses de recettes induites par les baisses de consommations attendues (et ce en dépit de l’augmentation régulière de la population).
Retour d’expérience et conseils
– Le formulaire mis en place pour la distribution a complexifié l’opération de distribution. Toutefois, il était indispensable, vu l’objectif d’analyse ultérieure. Plus de la moitié des formulaires remplis n’ont cependant pas pu être exploités (à cause de problèmes d’identification ou bien parce que la consommation du foyer était une consommation estimée et non basée sur une relève d’un compteur).
– La communication a un poids important dans le bon déroulement de la distribution ; aussi un poste dédié peut être prévu à cet effet, sinon il est important de prévoir un rétroplanning de communication afin de définir des phases de relance et de sensibilisation.
– La communication doit être adaptée au territoire. Le projet a fait le constat de l’importance de la communication à l’échelle communale (journaux, affiches en mairie, …) dans la diffusion de l’information. Une autre communication efficace est une information avec la facture d’eau envoyée par le gestionnaire.
– Il est également important de démultiplier les points de distribution dans les zones urbaines (maison de quartier, mairies de proximité).
– Avant de débuter une analyse, il est important de reconsidérer le niveau de consommation moyen pour s’approcher au plus près de l’impact réel du matériel. Ainsi les consommations de chaque foyer ont dû être normalisées (sur une année civile) d’après leurs données historiques mesurées à intervalles irréguliers. Il est à noter qu’une analyse spécifique a été réalisée sur deux services qui disposaient de compteurs télé-relevés chez l’abonné.
– L’implication des collectivités, en tant que relais auprès des habitants, est indispensable pour la distribution du matériel hydro-économe.
– La valeur de 12% de réduction est bien une valeur moyenne par foyer ayant bénéficié d’une distribution. Suite à une enquête post-distribution, il s’est avéré qu’une partie des kits retirés n’avait pas été installée, ce qui a pu faire chuter l’efficacité globale du dispositif.
– Les statistiques de consommations analysées en fonction des caractéristiques des foyers élaborées ont permis d’identifier des facteurs favorisant une consommation du foyer supérieure à la moyenne (nb de personnes du foyer, piscine, jardin, …) ou inférieure (revenus modestes, appartement, retraités, résidence secondaire). Cette connaissance ex ante pourrait permettre de cibler les foyers plus gros consommateurs pour la distribution de kits et pour la communication. Par la suite, la CLE a diligenté une analyse très poussée des déterminants de la consommation d’eau, dont une synthèse est fournie ici.
– Grâce à ce projet, le rapport coût efficacité du m3 économisé a été évalué à 0,16€/m3 économisé/an, soit une des valeurs les plus basses comparées à d’autres actions d’économie d’eau.
-Un travail spécifique doit être prévu pour l’habitat collectif sans compteurs individuels, en particulier en s’appuyant sur les bailleurs sociaux, mais pas uniquement.
Contacts
– Direction de la valorisation des ressources et des territoires – Département de la Gironde
+33 (0)5 56 99 35 05
dgac-dvrt-sreqm@gironde.fr
– SMEGREG
+33 (0)5 57 01 65 65
contact@smegreg.org
Liens
Le site du projet MAC EAU présente l’analyse très détaillée qui a permis de réaliser la présente fiche. Il est disponible sur le site du SAGE nappes profondes porté par le SMEGREG : Le site du SAGE jeconomiseleau.org. La présente fiche a en particulier largement puisé dans ce rapport : Le rapport MAC EAU
Le Centre de Ressource pour l’Adaptation au Changement Climatique a élaboré sur ce thème une fiche détaillant l’action très volontaire de la ville de Mérignac (33) dans le cadre de ce projet : Économiser l’eau dans les espaces verts et les bâtiments communaux | CRACC
Enfin d’autres collectivités ont aussi mené ce type d’opération : l’EPTB Ardèche , le département de la Seine Saint Denis, GRAINE PACA.
Ce document a été réalisé avec l’aide financière de :