Grenoble

Aide au paiement de la facture d’eau à Grenoble

COLLECTIVITÉS, TARIFICATION

En réponse à la loi Brottes de 2013, Grenoble Alpes Métropole (GAM) expérimente depuis plusieurs années une tarification sociale de l’eau. La métropole, qui gère l’eau potable pour 49 communes, souhaite ainsi réduire la précarité hydrique, fixée à un seuil de 3 % du revenu des ménages pour leurs dépenses d’eau. Grenoble Alpes Métropole a ainsi opté pour un système automatisé et simplifié. En 2019, 9 076 ménages ont bénéficié du dispositif. Les coûts de gestion sont relativement faibles grâce au partenariat avec la CAF.

Contexte

La loi Brottes (2013) a permis une expérimentation de la tarification sociale de l’eau, autorisant 50 collectivités en France à tester un dispositif. Grenoble Alpes Métropole est une collectivité regroupant 49 communes pour 450 000 habitants. Elle exerce la compétence eau potable depuis 2015 et a souhaité, en réponse à cette loi, lancer une expérimentation reposant sur une aide au paiement de la facture d’eau. Ce dispositif a accompagné l’harmonisation des prix de l’eau, concomitante des transferts de la compétence eau potable vers l’agglomération.

Sur la Métropole, 70 % des ménages ont un compteur individualisé, mais ce taux peut descendre à moins de 50 % dans certaines communes plus concernées par l’habitat collectif. Le taux de pauvreté (part des personnes gagnant moins que 60 % du revenu disponible médian français) varie de 3,1 à 18 % selon les communes. Le Fonds de Solidarité Logement (FSL) a connu, en 2018, 955 demandes d’aide au paiement de factures d’eau pour un montant de 286 k€.

Problématique et objectifs

Grenoble Alpes Métropole s’est fixé un seuil de précarité hydrique de 3 %. Les foyers dont la facture d’eau excède 3 % des revenus sont considérés en précarité hydrique et M. Ferrari, maire de Pont de Claix et président de la métropole, a souhaité pouvoir traiter ces situations. L’aide au paiement de la facture d’eau est une approche sociale pouvant être envisagée pour éviter les impayés sur la facture d’eau. Cependant elle peut générer d’importants coûts de gestion.

Grenoble Alpes Métropole a souhaité instaurer un dispositif déconnecté de la facture d’eau et ajusté à la taille des foyers. La métropole s’est orientée vers une aide au paiement de la facture d’eau, dans un programme global comportant 4 axes :

  • AXE 1 : Des actions préventives d’aide à la maîtrise des consommations
  • AXE 2 : Une allocation eau versée aux ménages précaires
  • AXE 3 : Des aides curatives en cas d’impayés (généralisant le Fonds de Solidarité Logement).
  • AXE 4 : Renforcer pour les plus démunis les dispositifs d’accès à l’eau

Les difficultés essentielles dans l’instauration d’un tel système sont :

  • la définition équitable des bénéficiaires (et son corollaire, l’exclusion des non-bénéficiaires),
  • leur identification rigoureuse,
  • la gestion administrative des dossiers,
  • les modalités de paiement.

Solutions et résultats pour l’AXE 2 : Allocation eau

La Métropole identifie les bénéficiaires du système selon deux conditions :

  • Condition 1 : être allocataire de la CAF
  • Condition 2 : habiter une des 49 communes de GAM

10 000 bénéficiaires environ ont été identifiés en 2020. Sont bénéficiaires les personnes qui payent directement leur eau, ainsi que les locataires qui la payent indirectement à travers leurs charges locatives.

Le calcul de l’aide financière repose sur trois critères :

  1. le revenu du ménage (données de la Caisse d’Allocation Familiale – CAF)
  2. le nombre de personnes au foyer (données transmises par la CAF)
  3. le tarif de l’eau de la commune de résidence. En effet, les tarifs d’eau des anciens distributeurs (communes ou syndicats), réunis en 2015 au sein de la métropole, n’étaient pas encore entièrement harmonisés, même si un règlement unique du service public d’eau potable a rapidement été adopté (janvier 2016). Cette harmonisation est désormais acquise depuis le 1er janvier 2022.

La Métropole procède à une analyse de la dispersion des revenus par taille de ménage et par commune (données INSEE), et examine avec les grilles tarifaires les factures types par taille de ménage et par commune. Cela permet d’identifier les ménages précaires pour lesquels la facture d’eau type dépasse 3 % des revenus.

  • Dans cette analyse, la facture d’eau correspond aux parts eau et assainissement, plus la redevance agence de l’eau et la TVA.
  • Les revenus considérés sont les revenus déclarés aux impôts et connus de la CAF. Ils incluent les minimas sociaux (RSA).

Le volume d’eau est forfaitisé pour chaque foyer concerné : un volume de 45 m3 est compté pour la première personne, 40 m3 pour la seconde, 35 m3 pour la troisième, etc. Le montant de la facture calculée est croisé avec les revenus. L’aide se déclenche dès que la facture représente plus de 3 % du revenu. L’aide est versée directement par virement bancaire.

Elle est égale au montant du dépassement de la facture d’eau au-delà des 3 % des revenus. Ainsi, aucun ménage ne doit consacrer plus de 3 % de ses revenus au paiement de son eau.

Poids facture d'eau à Grenoble pour ménages précaires

-> Le paiement via la facture avec des tarifs sociaux : 50 % des ménages précaires n’ont pas de facture (ex. : habitat collectif) ; par ailleurs, 46 grilles tarifaires subsistaient sur la Métropole (la convergence tarifaire est maintenant achevée depuis le 1er janvier 2022), ce qui nécessitait 46 paramétrages tarifaires. Par ailleurs, le croisement des données sociales de la CAF avec la base des abonnés du service de l’eau potable est très fastidieux et parfois infructueux, car les enregistrements ne sont pas toujours concordants.

-> Un chèque eau pour payer la facture : 50% des ménages précaires n’ont pas de facture. C’est le bailleur social qui paye l’eau et devrait alors recevoir le chèque eau. Le coût d’émission du chèque est significatif et son usage peut interloquer certains (recevoir un chèque pour le rendre ?), voire en rebuter (complexité du dispositif). Enfin, il faut noter que 80 % des ménages précaires payent effectivement leur facture d’eau.

-> Une démarche individuelle de demande d’aide : là encore, la complexité peut en rebuter certains, avec de surcroît une éventuelle peur du contrôle et/ou du qu’en-dira-t-on.

CONCLUSION

C’est un dispositif automatisé qui a été retenu, avec un paiement par virement bancaire à 9076 bénéficiaires. En 2019, seuls 135 virements ont échoué (comptes clôturés, décès, changements de compte non signalés).

Le système mis en place repose sur un partenariat avec la CAF, ce qui constitue le point central du dispositif.

  1. La métropole fournit à la CAF les factures types par taille de ménage et par commune.
  2. La CAF injecte les paramètres dans un calculateur qui traite l’ensemble des allocataires CAF et fait ressortir la liste des ménages précaires en eau et le montant d’aide à allouer à chaque bénéficiaire. Ce dispositif a évolué depuis juillet 2022 : dorénavant, la CAF transmet la liste des allocataires CAF et c’est la Métropole qui identifie le nombre de foyers qui peuvent bénéficier de l’allocation eau.
  3. La Métropole valide le montant global puis la CAF génère un fichier : allocataire / IBAN / montant.
  4. La Métropole adresse en septembre un courrier aux bénéficiaires les informant du versement de l’aide.
  5. Celle-ci est versée directement par virement bancaire par la Société Publique Locale « Eau de Grenoble Alpes », qui est l’opérateur en charge de la facturation/recouvrement pour le compte de la Régie de l’eau. L’aide n’est pas défalquée de la facture d’eau, mais virée à part.

9076 ménages ont pu bénéficier de l’allocation eau en 2019.

Aspects économiques

Le coût pour la collectivité est de 523 k€ en 2019 et 670 k€ en 2020, soit de l’ordre de 1 % du budget eau et assainissement. Le dispositif a fonctionné sans hausse corrélative du prix de l’eau : il est financé en 2020 par le budget général de la Métropole (33 %), celui de l’eau (33 %) et celui de l’assainissement (33 %). Les coûts de gestion de ce dispositif restent modestes :

  • Quelques jours de travail par an pour le suivi, dont un jour de bureau d’étude pour les simulations (5 k€).
  • Une convention CAF pour la génération du fichier des bénéficiaires. Initialement indemnisée 10 k€/an, cette opération est devenue gratuite dans la dernière convention.
  • La transmission du courrier et le versement assuré par la SPL (coût 15 k€/an).
  • Le déploiement et le suivi de la tarification, incluant l’envoi des courriers (environ 20 k€).

Les aides à l’abonné s’échelonnent de 10 € à 450 € avec une moyenne à 58 €/foyer en 2019 et 66 € en 2020. Sur la métropole, la facture moyenne de 120 m3 pour un ménage est de 380 €.

Le dispositif permet aux foyers précaires d’échapper aux augmentations du prix de l’eau induites par l’harmonisation des tarifs métropolitains. Cela a donné à la Métropole une marge de manœuvre pour accélérer cette convergence tarifaire.

Solutions pour les autres axes

Solution retenue pour l’AXE 1 :
Action préventive

GAM a passé un marché avec la société coopérative solidaire ULISSE38 qui propose gratuitement un diagnostic chez les abonnés qui le demandent. Il s’agit d’un diagnostic sociotechnique complet (chauffage, eau, énergie) débouchant sur des recommandations d’amélioration et de bonnes pratiques. 11 diagnostics ont été réalisés en 2019, conduisant à une économie d’eau moyenne de 32 m3 (100 €) chez les foyers audités.

Aspect quantitatif

Un tel dispositif n’a pas vocation à permettre des économies d’eau à l’échelle de la Métropole. Le signal prix n’est pas utilisé ici comme un message de la rareté de l’eau. Cependant, l’opération comporte une sensibilisation auprès des ménages précaires, destinée à les accompagner dans un usage plus sobre de la ressource, leur permettant de réduire leur facture. Pour l’heure, cette sensibilisation associative est restée de portée très limitée (350 m3 économisés en 2019).

Solution retenue pour l’Axe 3 :
Aides curatives en cas d’impayés

Les aides curatives en cas de situation d’impayé ont été ajustées, avec une contribution de la Métropole au Fonds de Solidarité pour le Logement à hauteur de 0,21 € par abonné, soit 34 k€ en 2019.

Solution retenue pour l’AXE 4 :
Accès à l’eau des plus démunis

La métropole comporte un point d’eau pour 878 habitants.

Difficultés rencontrées

Le dispositif est suffisamment automatisé pour ne pas nécessiter d’accompagnement social spécifique. Cependant, GAM a passé un marché avec la société coopérative solidaire ULISSE38 qui propose gratuitement un diagnostic débouchant sur des recommandations d’amélioration et de bonnes pratiques.

Ulisse -Grenoble eauLa mission de diagnostic confiée à ULISSE38 donne satisfaction et GAM souhaite maintenir le dispositif en l’améliorant, avec plus d’équité. En particulier, une réflexion est engagée pour mieux tenir compte de certaines situations, par exemple celle des retraités qui ne sont pas allocataires de la CAF, mais qui connaissent, pour certains, une réelle précarité hydrique.

Réflexions ultérieures : Grenoble Alpes Métropole constate que les ménages d’une ou 2 personnes ou les étudiants sont peu aidés actuellement. Une juste prise en compte des ménages sans revenus et touchant uniquement le RSA est aussi à examiner, ainsi que la situation des retraités et des personnes hors du circuit CAF.

Ils l’ont fait, ils en parlent

« Cette mandature est arrivée en 2015, et a prolongé une réflexion sur la tarification sociale dans la suite des transferts de compétence eau potable qui a nécessité une harmonisation du prix de l’eau. L’objectif était bien la tarification sociale, et pas les économies d’eau. Nous avons cherché un dispositif facile et efficace. Il fallait être « au bon endroit au bon moment » pour l’usager précaire, et qu’il n’ait rien à faire, grâce au partenariat avec la CAF. Il fallait éviter d’avoir à le solliciter, éviter l’encaissement d’un chèque, ou éviter des démarches en plus de son quotidien. Le partenariat mis en place débouche sur un virement automatique. Grenoble Alpes Métropole a mis en place une tarification sociale forte qui entérine le droit et l’accès à l’eau. »

Anne-Sophie OLMOS
vice-présidente en charge du cycle de l’eau

Contact

Nicolas Perrin,
directeur du département de l’eau.

Dernière modification le 11/12/2024

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