Économiser l’eau chez les abonnés grâce aux compteurs connectés

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Compteurs connectés : facture ajustée, fuites évitées, consommation surveillée

Grâce à l’installation de capteurs connectés, les foyers desservis par le syndicat d’eau de Carbon Blanc sont alertés en cas de fuite ou de surconsommation. Ce dispositif permet aussi de détecter les fraudes et les compteurs en panne, et d’émettre des factures sur consommation réelle plutôt qu’estimée. La sensibilisation des usagers sur leur consommation a installé des bonnes pratiques de consommation qui semblent durables. Cependant les économies de 3 à 5% par foyer équipé restent modérées. Le syndicat fait également de modestes économies en détectant précocement les compteurs en panne ou les fraudes.

Contexte

Le Syndicat Intercommunal d’Eau de Carbon Blanc (SIAO, 60 000 habitants sur dix communes) est situé sur le territoire du SAGE des Nappes profondes de Gironde, approuvé en 2003, puis révisé en 2013. L’objectif de ce SAGE est d’atteindre, puis d’assurer un état des nappes souterraines permettant la coexistence normale des usages et le bon fonctionnement quantitatif et qualitatif de la ressource souterraine et des cours d’eau qu’elle alimente. Le SAGE réglemente la gestion des prélèvements et des ouvrages. La politique d’optimisation concerne tous les usages : pertes sur le réseau, consommations collectives, individuelles, domestiques, industrielles ou agricoles. Les économies d’eau étant insuffisantes pour atteindre les objectifs du SAGE, des substitutions  de ressources sont également indispensables.

Problématique et objectifs

Conformément à l’un des objectifs du SAGE, le Syndicat cherche à réduire les consommations des abonnés, en particulier en affinant la connaissance des consommations. Notamment, des relevés plus fréquents permettront de détecter rapidement d’éventuelles fuites, surconsommations, pannes de compteurs ainsi que la fraude au compteur.

D’autres actions sont menées dans le cadre d’un projet plus large intitulé ASTUCES, de recherche opérationnelle sur les consommations d’eau potable. Ce projet fournit une segmentation plus fine des profils de consommation, ce qui permet au syndicat d’affiner sa communication sur les économies d’eau selon les profils ciblés.

Solutions et résultats

Le Syndicat Intercommunal d’Eau de Carbon blanc a équipé l’ensemble de ses abonnés de compteurs communicants. L’opération, initiée en 2010, s’est déroulée sur 2 ans et demi et a permis d’équiper près de 30 000 abonnés. La télérelève est maintenant généralisée sur l’ensemble du syndicat.

Chaque compteur fournit un télé-relevé toutes les 6 heures. Les données sont disponibles pour l’usager sur internet après 24h.

La première utilisation des compteurs porte sur la mise en place d’une alerte « fuite » auprès des abonnés. Ainsi 4 à 5000 courriers sont envoyés chaque année à ceux dont le relevé comporte une anomalie.

Le dispositif permet également la mise en place :

  • d’une alerte « consommation » programmable sur le compteur. L’usager se fixe un volume d’eau « normal » à ne pas dépasser sur une durée fixée (p.ex. quotidien). Si l’index dépasse ce volume, il est alors prévenu par mail ou SMS. Outre la possibilité de repérer une consommation anormale (robinet de jardin oublié ouvert, vol d’eau, tuyau éclaté par le gel ou percé, …), ce dispositif l’incite à réfléchir sur sa consommation quotidienne éventuellement modulée selon la saison (piscine, jardin, …).
  • d’une alerte « fraude » ou casse, à l’usage du Syndicat, qui permet de détecter la panne du compteur ou son débranchement (fraude par retournement de compteur).

Enfin, la connaissance des valeurs de consommation conduit le Syndicat à émettre des factures sur volumes réels plutôt qu’estimés, évitant ainsi la sur-facturation aussi bien que la sous-facturation.

L’économie d’eau permise par la pose des compteurs communiquants et la mise à disposition de l’outil de suivi des consommations est de 3 à 5%. Ce résultat modeste est cohérent avec celui d’opérations similaires réalisées ailleurs. Par exemple, Anglian Water Service estime à 8% l’économie d’eau apportée par la pose de compteurs connectés, dont 2% proviennent de l’utilisation d’un nudge (incitation à l’économie reposant sur les sciences comportementales).

Le syndicat Intercommunal d’AEP de Carbon Blanc a lui aussi mis en place de tels dispositifs, à travers un projet intitulé ASTUCES, qui a reçu un trophée de la FNCCR au titre du club des économies d’eau des collectivités.

Limites et conditions de réussite

->Le syndicat a fait le choix d’imposer le compteur communicant à ses usagers. Une offre facultative aurait vraisemblablement conduit à un taux d’équipement très modeste et des résultats peu significatifs autant en termes de gestion que d’économie d’eau.

En effet, un test réalisé en 2015 par Montpellier Métropole Méditerranée et son délégataire, consistant à proposer ce service de suivi de la consommation aux ménages de certains quartiers, sur la base du volontariat, n’a pas conduit à un taux d’équipement satisfaisant, malgré l’image plutôt favorable de l’équipement. Il semble y avoir un enjeu important d’accompagnement pour déclencher l’adoption effective de ce dispositif.

Au demeurant, l’opération a suscité un bon niveau d’engagement des abonnés, puisque la moitié d’entre eux s’est connecté au site internet et a mis en place son alerte.

->L’implantation physique des compteurs a été complexe. Dans de nombreux cas, les coffres antigel n’étaient pas bien positionnés ni dimensionnés pour recevoir un équipement de cette taille. Ce surcoût a dû être assumé par le délégataire de service public.

->Les relevés ont lieu toutes les 6 heures, mais les compteurs ne sont pas tous synchrones, ce qui ne permet pas de garantir exactement la même heure de disponibilité de données. Le choix a donc été fait d’une mise à disposition avec un délai de 24 heures.

->Le contact et la prise de rendez-vous avec les 30 000 abonnés ont été fastidieux : il convient de prévoir des moyens humains adaptés pour cette phase. De même, l’envoi de courrier recommandé avec accusé de réception pour informer du projet l’ensembles des abonnés est une dépense à provisionner.

Aspects économiques

Le prix d’un compteur connecté pour la télérelève était de 93 € auquel il faut ajouter les frais d’installation. Ce coût a été répercuté sur l’abonné à hauteur de 14,95 €HT annuel pour une facture d’eau de 120 m3, pour les 9 années courant jusqu’à la fin de la DSP. Après négociation, le délégataire a pris en charge certains surcoûts imprévus ou mal anticipés, liés par exemple à l’envoi de 30 000 courriers recommandés avec accusés de réception, ou à la difficulté d’implantation du nouveau compteur dans des coffres antigel sous-dimensionnés ou mal positionnés.

De son côté le syndicat tire un trait sur les recettes perdues du fait de la réduction de l’assiette délivrée en volume, en considérant que cette perte est compensée par l’augmentation régulière de la population, par les gains modestes liés à la détection rapide des éventuelles casses ou fraudes. Ultérieurement le dispositif sera exploité dans la détection de fuites nocturnes par comptabilisation des entrées et sorties selon la sectorisation du réseau.

L’opération représente un coût élevé rapporté au m3 économisé (5% d’une facture type de 120 m3 soit 6 m3) : environ 2,5 €/m3. Le prix moyen du m3 d’eau du SIAEP de Carbon Blanc est de 1,80 € pour le service d’eau potable qui est en délégation de service public. La production de l’eau potable compte pour seulement 25 c€/m3 dans ce prix.

Cette approche économique révèle la valeur attribuée par le syndicat à la préservation de la ressource en eau et à ses objectifs d’économies, témoignant d’une appropriation forte des enjeux du SAGE des nappes profondes.

Ils l’ont fait, ils en parlent

 

Catherine ROLLAND est la directrice du Syndicat d’alimentation en eau potable de Carbon Blanc. Elle fait les constats suivants.

Le principe d’imposer un compteur communicant à l’abonné n’a pas suscité de levée de boucliers comme on a pu le voir avec les compteurs électriques communicants. Dans le domaine du service d’eau potable, le surcroît de qualité de la relation client (alertes fuite et consommation) l’emporte sur la sensation de surveillance. Le syndicat n’a reçu aucune remarque, plainte ou appel concernant la mise en place du compteur communiquant.

Le SIAO remarque que le nombre d’anomalies (fuites) constatées annuellement ne baisse pas, ce qui traduit le vieillissement progressif des réseaux privatifs. Au même titre que pour le réseau public et en dépit de leurs dimensions plus modestes, les canalisations intérieures ou extérieures de ces réseaux privatifs finissent par se détériorer et générer des fuites.

Ultérieurement, la connaissance de l’ensemble des volumes délivrés constituera une information complémentaire de celle des volumes transitant dans le réseau public. Les opérations de recherche de fuite par sectorisation pourront s’appuyer sur la connaissance précise et actualisée de la consommation réelle par secteur.

De même, une information ciblée peut être adressée à l’usager en accompagnement de sa facture  d’eau (comparaison avec les foyers de même taille). Cette approche comparative bien ciblée et accompagnée peut constituer une incitation à modérer la consommation pour les foyers les moins économes. Ce type d’action a été mis en place à travers le projet ASTUCES, remarqué par le club des économies d’eau.

Contacts

Mme Catherine ROLLAND, directrice du Syndicat d’Alimentation en Eau (SIAO) de Carbon Blanc

Mme Marielle MONTGINOUL INRAE UMR G-EAU (test réalisé sur la métropole de Montpellier)

Liens

Le projet ASTUCES, en cours, n’a pas encore fait l’objet de communications.

La FNCCR a publié le bilan des trophées du club des économies d’eau 2021 dans lequel l’opération du SIAO a été remarquée (p. 23)

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Dernière modification le 26/03/2024