Aide sociale au paiement de la facture d’eau au Havre
2021 | FICHE, RETOUR D’EXPERIENCE
Résumé
Le Havre Métropole a instauré un dispositif social d’aide au paiement de la facture d’eau. Celui-ci a été préféré à un tarif dégressif ou à un système de gestion des impayés. Il repose sur un système déclaratif réservé aux usagers payant effectivement leur facture d’eau, et bénéficie d’un accompagnement des services sociaux, qui instruisent les dossiers dans le cadre de leurs missions courantes.
Contexte
L’article 28 de la loi « Brottes » du 15 avril 2013 a introduit, pour les collectivités qui le souhaitent, la possibilité d’une expérimentation en vue « de favoriser l’accès à l’eau et de mettre en œuvre une tarification sociale de l’eau », dans les conditions prévues par le quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution.
En application du 2ème alinéa de l’article 28 de la loi « Brottes », les collectivités volontaires ont la possibilité, pendant cinq ans, de mettre en place de nouvelles tarifications de l’eau et/ou de l’assainissement, ainsi que des systèmes d’aides au paiement de la facture d’eau afin de garantir un meilleur accès à ces services. L’expérimentation peut porter sur :
- la définition de tarifs tenant compte de la composition ou des revenus du foyer pouvant inclure une première tranche de consommation gratuite pour les foyers en situation de vulnérabilité ;
- l’attribution d’une aide au paiement des factures d’eau ou pour l’accès à l’eau.
Ultérieurement, la loi « Engagement et proximité » du 27 décembre 2019 a ouvert ce dispositif à l’ensemble des collectivités territoriales chargées du service public d’eau et d’assainissement (SPEA). En 2020, 41 collectivités territoriales ont décidé de poursuivre la stratégie sociale d’accès à l’eau mise en place dans le cadre de l’expérimentation « Brottes ».
Problématique et objectifs
Le système de gestion des impayés de la Métropole du Havre était jugé inadapté par les élus de la collectivité car ces impayés n’étaient pas corrélés aux revenus des foyers débiteurs. Dans certains cas, des foyers en situation de précarité hydrique payaient leur eau en dépit de leurs difficultés. A contrario certains mauvais payeurs n’étaient pas en situation réellement précaire. La Métropole a donc choisi d’expérimenter un nouveau dispositif d’aide social au paiement de la facture d’eau.
Solutions et résultats
Le Havre Seine Métropole a choisi d’expérimenter, au titre de la loi « Brottes », un contrat solidarité eau qui consiste en une aide au paiement de la facture d’eau afin de réduire toutes les situations de précarité hydrique. Le seuil de précarité hydrique est atteint quand la facture d’eau dépasse 3% des revenus d’un foyer (certaines collectivités ont adopté un seuil de 2,5%). Les élus de la Métropole ont préféré cette solution à une tarification sociale différenciée consistant à faire payer moins cher les premiers m3. La collectivité a aussi considéré qu’un système d’aide automatique via la gestion des impayés n’était pas adapté car les mauvais payeurs ne sont pas forcément des ménages précaires, et réciproquement. Le dispositif repose sur les déclarations volontaires des usagers en précarité, et sur le recours à un service d’accompagnement. Seuls les usagers payant leur eau peuvent bénéficier du Contrat Solidarité Eau sous forme d’une réduction de la facture d’eau.
Les services de la collectivité n’ont pas mis en place un traitement automatique des dossiers : chaque situation est examinée au cas par cas. Ils ont conçu l’ensemble du dispositif puis ont fait appel, pour sa mise en œuvre, aux Centres Communaux d’Action Sociale (CCAS), aux mairies et aux assistantes sociales. Ceux-ci ont une forte expérience de l’accompagnement social individualisé, et font peu d’aide systématique. La Métropole a conçu un référentiel pour affiner l’appui apporté par les CCAS, en déterminant les ratios de consommation raisonnable spécifique à la population concernée : il s’agit souvent de familles monoparentales et/ou de familles nombreuses, avec dans les deux cas une consommation plus élevée de quelques % que la moyenne régionale. Les références fournies par l’agence de l’eau et les données de consommation par foyer selon leur composition ont permis d’élaborer des profils types. Une cible de consommation raisonnable par foyer en fonction de sa composition a alors été fixée.
L’analyse des cas réels, en lien avec les CCAS, a montré que les foyers en situation de précarité hydrique connaissaient également des problèmes d’un point de vue énergétique (problème de gestion de budget, défaut de sensibilisation aux économies d’eau et d’énergie).
La collectivité, qui a en charge la protection de la ressource et la distribution de l’eau potable, s’appuie sur ses vecteurs habituels de communication pour faire passer les messages ad hoc auprès de cette catégorie défavorisée d’usagers.
Le Havre Seine Métropole a déployé un petit outil informatique (en ligne) permettant de vérifier l’éligibilité du foyer (revenus, bénéfice de la Couverture Maladie Universelle, consommation) et de calculer le montant de l’aide (fonction du revenu, de la composition du foyer et de la consommation). Cet outil a été fourni aux personnels des CCAS ou des Unités Territoriales d’Action Sociale (les UTAS, qui sont des services départementaux) dans le cadre de leur accompagnement social des foyers demandeurs.
L’instruction du dossier (entretien avec le demandeur, récupération de ses factures, de ses justificatifs de ressources, signature de la lettre d’engagement, etc…) est réalisée par les services instructeurs, à l’aide de cette matrice de calcul. Lorsque le service instructeur conclut qu’un abonné peut bénéficier d’un Contrat de Solidarité Eau, les services « abonnés » de la Communauté Urbaine (au sein de la Régie ou chez les Délégataires) prennent simplement en compte le montant calculé par le service instructeur et l’appliquent sur la facture suivante de l’abonné.
Ce dispositif d’intégration d’un critère social dans le traitement de la facture d’eau s’accompagne d’un volet tout aussi important portant sur la nécessité de bien maîtriser sa consommation d’eau, à quoi s’engagent les abonnés lors de la signature du contrat.
Extrait du contrat signé par les bénéficiaires.
Combien de dossiers en 2021 ?
La collectivité à investi dans ce dispositif à travers le temps initial passé à le concevoir et le partager. En phase de croisière, l’instruction est déléguée aux CCAS.
216
dossiers de Contrat Solidarité Eau octroyés
98
cas de surconsommation identifiés (par rapport au référentiel) identifiés, soit
45%
Montant d’aide distribué :
41252€
Montant moyen de l’aide accordée par dossier :
192€
Difficultés rencontrées
Le dispositif antérieur de gestion des impayés était automatisé et permettait de suivre quelques milliers de dossiers. Il reposait sur le croisement entre les revenus et la facture d’eau. Le nouveau dispositif analyse chaque situation au cas par cas et nécessite des moyens humains importants pour suivre les quelques centaines de dossiers concernés.
La collectivité met à disposition ses propres équipes pour la gestion des factures ; mais elle n’a pas les moyens d’assurer le contact direct avec les demandeurs, d’autant plus que ce type de compétence existe dans d’autres institutions. Ainsi, les entretiens sont délégués aux CCAS dans le cadre de leur mission ordinaire de suivi social des foyers concernés. C’est dans ce cadre que les agents des CCAS utilisent l’outil informatique développé par les services de la Métropole pour déterminer l’éligibilité du foyer et le montant de son aide.
Ils l’ont fait, ils en parlent
« Si nous devions le refaire, nous opterions pour cette solution. Même si la charge de travail échappe aux services de la collectivité, elle échoit à des services instructeurs aguerris. Il faut noter que le dispositif mis à disposition des CCAS n’est pas utilisé dans toutes les communes. En particulier, dans les petites communes, le maire ou le secrétaire de mairie n’ont pas les moyens matériels d’y consacrer le temps nécessaire, et trouvent en général des solutions alternatives pour régler ces situations qui restent rares chez eux.
Le diable se cache dans les détails. Pour le service des eaux c’est un système simple sur le papier. Dans la pratique apparaît cependant une difficulté concernant la définition de la précarité hydrique : « 3% des revenus ». Ceci nécessite une réflexion préalable pour préciser aux services instructeurs quels revenus sont pris en compte et lesquels sont exclus du calcul : prime de Noël, Allocations familiales, Aides au logement, … »
Liens
Le projet n’a pas fait l’objet d’un retour d’expérience documenté de la part de la Métropole.
Cependant l’expérimentation de tarification sociale autorisée par la Loi Brotte adoptée en 2013 a fait l’objet de plusieurs bilans :
Bilan 2019 de l’expérimentation pour une tarification sociale de l’eau sur le site du ministère de l’écologie,
Rapport d’analyse (2019) de l’expérimentation pour une une tarification sociale de l’eau pour le comité national de l’eau,
Mission flash (février 2022) sur le bilan de l’expérimentation d’une tarification sociale de l’eau pour l’Assemblée Nationale.
Ce document a été réalisé avec l’aide financière de :