Inciter les usagers à faire des économies d’eau par la mise en place d’une tarification éco-solidaire de l’eau (Dunkerque)

COLLECTIVITESAEP, TARIFICATION

Conscients du caractère précieux de la ressource en eau, les élus du Syndicat de l’Eau du Dunkerquois (SED) ont mis en place, après deux ans d’étude, un système de tarification éco-solidaire de l’eau en octobre 2012. Ce choix innovant et précurseur s’est inscrit dans une démarche de réduction des pressions sur la ressource en eau et de la facture d’eau pour les usagers, et ceci afin de répondre à l’objectif numéro 6 des 17 objectifs de développement durable définis par les Nations Unies en 2015.

Le dispositif est un tarif défini par trois tranches de consommation annuelle définies à un tarif de : 0,89 €/m3 jusqu’à 80 m3 consommés, 1,66 €/m3 de 80 m3 à 200 m3 consommés et 2,2 €/m3 au-delà de 200 m3. Cette tarification progressive est couplée à un tarif préférentiel pour la première tranche destiné aux familles les plus modestes bénéficiaires de la Complémentaire Santé Solidaire « CSS » (0,34 €/m3 jusqu’à 80 m3 consommés) et à deux types de chèque « eau » : un chèque « eau » de 12 € par personne pour les familles nombreuses à partir du 6ème membre et un chèque « eau » de 40 €/an pour les familles bénéficiaires de la CSS et habitant dans les immeubles collectifs, pour compenser le coût d’abonnement qu’ils ne payaient pas auparavant.

Grâce à ce dispositif, 80% des usagers de l’eau ont fait des économies sur leur facture, les 20% restant étant les plus consommateurs. De plus, l’association entre sensibilisation aux enjeux liés à la gestion de l’eau et aux méthodes d’économie d’eau, et mise en place de cette tarification a permis de réduire la consommation domestique moyenne annuelle par foyer à 67 m3 contre 80 m3 auparavant. Ceci se traduit pour le SED par une économie d’eau de l’ordre de 10%, depuis la mise en place de ce dispositif.

Contexte

En France, avant l’adoption de l’article 15 de la loi « Engagement et proximité » du 27 décembre 2019, l’article 1 de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques encadrait strictement la tarification de l’eau et de l’assainissement. Ainsi, le prix du service public d’eau et d’assainissement devait être identique pour tous les usagers et les collectivités ne disposaient pas de la possibilité juridique de mettre en place des outils d’accompagnement sociaux dédiés à l’eau potable.
Or, en 2015, les Nations Unies avaient adopté les 17 objectifs de développement durable dont le numéro 6 visait à garantir l’accès de tous à l’eau et l’assainissement et à assurer une gestion durable des ressources en eau. Ils souhaitaient ainsi positionner l’enjeu de l’accès à l’eau au premier plan au niveau mondial.
En réponse à cet objectif numéro 6, le Syndicat de l’Eau du Dunkerquois, a souhaité mettre en place une tarification sociale, écologique, progressive et incitative de l’eau dès le mois d’Octobre 2012.

Cette initiative, novatrice, a ensuite été facilitée par la proposition de la loi « Brottes » adoptée le 16 avril 2013, qui proposait d’introduire, pour les collectivités qui le souhaitent, la possibilité d’une expérimentation en vue « de favoriser l’accès à l’eau et de mettre en œuvre une tarification sociale de l’eau », dans les conditions prévues par le quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution.

Figure 1: Dunkerque (Pixabay)

  • En application du 2ème alinéa de l’article 28 de la loi « Brottes », les collectivités volontaires ont eu la possibilité, pendant cinq ans, de mettre en place de nouvelles tarifications de l’eau et/ou de l’assainissement, ainsi que des systèmes d’aides au paiement de la facture d’eau afin de garantir un meilleur accès à ces services. L’expérimentation pouvait porter sur :
    • la définition de tarifs tenant compte de la composition ou des revenus du foyer pouvant inclure une première tranche de consommation gratuite pour les foyers en situation de vulnérabilité ;
    • l’attribution d’une aide au paiement des factures d’eau ou pour l’accès à l’eau.

Par la suite, la loi « Engagement et proximité » du 27 décembre 2019 a ouvert ce dispositif à l’ensemble des collectivités territoriales chargées du service public d’eau et d’assainissement (SPEA). En 2020, 41 collectivités territoriales ont décidé de poursuivre la stratégie sociale d’accès à l’eau mise en place dans le cadre de l’expérimentation « Brottes ».

Problématique et objectifs

  • Le Syndicat de l’Eau du Dunkerquois (SED) dispose, pour alimenter en eau potable les usagers, d’une source unique. Cette eau potable est puisée à 40km de Dunkerque, dans l’Audomarois.
    Ainsi, consciente du caractère précieux de la ressource en eau, l’agglomération Dunkerquoise porte de longue date une démarche vertueuse de gestion de la ressource et a initié plusieurs actions pour limiter les prélèvements :

    • Création d’un double réseau de distribution dès 1972. L’un distribue l’eau potable, le second est alimenté par de l’eau de surface non traitée et répond aux besoins industriels (refroidissement, process …) ;
    • Installation d’une usine de réalimentation artificielle pour recharger la nappe de Houlle-Moulle lors d’épisodes de sècheresse, un véritable outil de gestion active de la nappe ;
    • Traque des fuites des réseaux de distribution : le taux de rendement de l’eau potable parvenant jusqu’aux usagers est de 91 %.

Afin de compléter cette stratégie, il importait de renforcer la sensibilisation de l’usager final. Le Syndicat a donc lancé une réflexion sur la mise en place d’un modèle de tarification éco-solidaire pour, à la fois, inciter les usagers à faire des économies d’eau et favoriser le maintien de l’accès à l’eau pour tous.

Solutions et résultats

  • Après deux ans d’étude et notamment le travail d’expertise (Analyse économétrique) réalisé par la Chaire EPPP (Economie des Partenariats Public-Privé, Université Paris I Panthéon-Sorbonne), le Syndicat de l’Eau du Dunkerquois (SED) a lancé le 1 octobre 2012 sa tarification éco-solidaire. Cette tarification vise une réduction de la consommation en eau des foyers et de leur facture d’eau à hauteur de 20% par an, tout en maintenant le niveau de recette de la collectivité, garant de la poursuite des démarches de territoire engagées et/ou prévues. Contrairement au tarif unique au mètre cube existant auparavant, ce nouveau dispositif se compose de trois tarifs selon trois tranches de consommation en eau (Cf. figure 2) :

 

  • Figure 2 : Montant de la facture à Dunkerque.

    • 1ère tranche : « l’Eau essentielle », jusqu’à 80 m3 d’eau potable consommée par an et par foyer. Le tarif est aujourd’hui de 0,89 €/m3 auquel se substitue un tarif préférentiel de 0,34 €/m3 pour les foyers bénéficiaires de la CSS (Complémentaire Santé Solidaire). Ce tarif solidaire est compensé par les recettes supplémentaires faites par la collectivité grâce aux tarifs fixés en 2ème et 3ème tranche.
      L’identification des personnes bénéficiant de la CSS se fait par l’intermédiaire de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Nord avec qui le SED a conventionné. Pour respecter le RGPD, la liste des bénéficiaires de la CSS fournie -deux fois par an- par la CPAM est sécurisée. Environ 5 % des foyers de la région Dunkerquoise bénéficient de la CSS.
      Le seuil de 80m3/an/foyer pour l’eau essentielle, initialement fixé à 75 m3/an/foyer, considère une consommation pour les besoins vitaux égale à 15 m3/habitant/an pour une famille de 4 personnes.
      Il a été défini dans l’objectif que 80% des foyers de la collectivité, indépendamment de leur niveau de revenus, soient gagnant vis-à-vis de la mise en place de cette tarification, c’est-à-dire observent une baisse de leur facture ou, au minimum, ne voient pas le montant de leur facture augmenter.
    • 2ème tranche : « L’Eau utile » de 81 à 200 m3 d’eau potable consommée par an et par foyer : le tarif est de 1,66 €/m.
    • 3ème tranche : « L’Eau de confort », au-delà de 200 m3 d’eau consommée par an et par foyer : son tarif est le plus élevé soit 2,20 €/m3. Il a été défini dans l’objectif que seuls les foyers les plus consommateurs, possédant des dispositifs particuliers type piscine individuelle, soient impactés. L’analyse des modes de consommation et des volumes consommés, réalisée dans le cadre du travail de la Chaire EPPP, a permis à la collectivité de s’assurer que les familles nombreuses ne seraient pas concernées par cette tranche. 3

    À ces tarifs proportionnels au volume annuel consommé, s’ajoute un coût fixe d’abonnement relativement faible de 21 €/an.

  • Certains abonnés tels que les familles nombreuses, les établissements publics, les restaurants, les entreprises … ayant une consommation annuelle importante, la mise en place de ce type de tarification peut avoir des répercussions importantes sur leur facture d’eau. Des mesures complémentaires peuvent alors la compléter pour accompagner les usagers concernés. Le SED a ainsi choisi de mettre en place deux mesures complémentaires.
    • Un tarif spécifique et fixe de 1,14€/m3 est prévu pour les usagers non domestiques
    • Deux types de chèque « eau » sont distribués :
      • les familles nombreuses bénéficient, à partir de la 6ème personne dans le foyer, d’un chèque « eau » de 12€ par an et par personne supplémentaire.
        Son caractère déclaratif et donc la nécessité d’une démarche de la part de l’usager a eu pour conséquence un faible recours à ce chèque. Il a donc été abandonné en 2018 au profit d’une aide financière complémentaire automatisé (en cours de mise en place). Un travail est ainsi mené par le syndicat, en partenariat avec la CAF. Cette dernière modulation devrait être opérationnelle en 2023 et a pour objectif de valoriser les efforts des familles nombreuses qui auraient la même consommation en eau annuelle qu’une famille de 2 personnes par exemple.
      • les familles bénéficiaires de la CSS et habitant dans des immeubles collectifs ne disposant pas de l’individualisation des compteurs, reçoivent un chèque de 40€/an pour compenser la généralisation du coût d’abonnement, qu’elles ne payaient pas avant la mise en place de ce dispositif. Pour ces derniers, aujourd’hui minoritaires (seuls quelques bailleurs privés qui n’ont pas la possibilité d’individualiser les compteurs), le montant de leur facture correspond à la consommation annuelle totale de l’habitation/immeuble, divisée par le nombre d’unités de logement.

Figure 3 : Tarification de l’eau par tranches du SED ; CSS=Complémentaire Santé Solidaire (Comité national de l’eau, 2019).

Grâce à ce dispositif, 80% des usagers de l’eau ont fait des économies sur leur facture (objectif de la 1ère tranche). Les 20% restant correspondent aux usagers les plus consommateurs impactés par la 3ème tranche.
De plus, afin de répondre à l’objectif d’économie d’eau, la mise en place de cette mesure a été accompagnée d’une politique d’éducation à l’environnement pour sensibiliser les Dunkerquois aux différents enjeux liés à la gestion de la ressource en eau. L’association entre la tarification éco-solidaire de l’eau et la sensibilisation des usagers, indispensable à la réussite d’un tel dispositif, a conduit les usagers domestiques à réduire leur consommation annuelle à 67m3 par foyer contre 80m3 en moyenne en 2012, au moment de la mise en place de la tarification. Cette valeur a été calculée à partir de la somme des volumes annuels domestiques consommés pour chaque foyer, indépendamment du nombre de personnes dans les foyers.
Ceci se traduit pour le Syndicat de l’Eau du Dunkerquois par une économie d’eau de l’ordre de 10% depuis la mise en place de cette tarification.

Globalement, l’ensemble des usagers a réduit sa consommation en eau potable.
Un petit effet rebond est observé chez certains bénéficiaires de la CSS depuis la mise en place de la tarification solidaire de 0,34€/m3 pour la première tranche. En effet, n’ayant pas les moyens financiers d’assumer le prix de l’eau avant la mise en place de cette tarification, ils réduisaient au maximum leur consommation, même au-delà de leurs propres besoins sanitaires. Il s’agit de faibles niveaux de consommation et l’effet rebond reste modeste.

En moyenne, la consommation d’eau annuelle domestique est de 54 m3/an/habitant, ce qui correspond à 148 L d’eau par jour et par personne.
Cette consommation moyenne annuelle varie d’un département à l’autre. Plusieurs paramètres expliquent cela comme les conditions climatiques ou encore l’âge moyen des habitants.

Sources : Rapport de l’Observatoire des services publics d’eau et d’assainissement (Eaufrance et SISPEA) juin 2022 sur les données 2020

Limites et conditions de réussite

L’efficience d’un dispositif de tarification sociale, progressive et incitative est tributaire d’une bonne connaissance du contexte local : type d’usagers concernés et leur mode de consommations, proportion de compteurs individuel et collectifs.
En effet, sa bonne adéquation avec les spécificités locales conditionne sa réussite et seuls les foyers abonnés directement au service public d’eau et d’assainissement collectif (SPEA) peuvent en bénéficier. Ce deuxième élément a été une des principales difficultés rencontrées par la SED. En effet, l’agglomération Dunkerquoise comportait une forte proportion de compteurs collectifs correspondant en général au logement social. Ainsi, un important travail d’individualisation des compteurs sur le Dunkerquois a été nécessaire : aujourd’hui, 82% des foyers disposent d’un compteur individuel.

À cela, s’est ajouté l’identification des foyers bénéficiaires de la Complémentaire Santé Solidaire (CSS). En effet, l’accès aux données détenues par les administrations de sécurité sociale constitue un point majeur à la mise en place d’une tarification spécifique. Le Code Général des Collectivités Territoriales et celui de la Sécurité Sociale prévoient que les organismes de sécurité sociale fournissent ces données aux services chargés de la mise en œuvre d’une politique sociale de l’eau. Pour autant, la mise en œuvre pratique peut s’avérer complexe dans le respect du RGPD. Pour passer au-delà de cet écueil et ainsi identifier de façon sécurisée la totalité des bénéficiaires de la CSS (seulement 20% des bénéficiaires étaient identifiés au lancement du dispositif) le SED et son délégataire ont pu conventionner avec la CPAM du Nord. Ainsi, la CPAM du Nord met à disposition, gratuitement, des données brutes au SED. Le syndicat se charge du traitement de ces données.
En parallèle de cette convention et afin d’englober plus de foyer, le SED a revu la valeur seuil de la première tranche de tarification, « Eau essentielle ». Ainsi, le seuil de 75m3 d’eau consommé par an et par foyer a été relevé à 80m3.

Le dispositif prévoyait également un « chèque eau » pour les familles nombreuses, qui a été aujourd’hui abandonné. En effet, son mode déclaratif nécessitait une démarche de la part de l’usager et il a été peu utilisé : seulement 10% des usagers concernés bénéficiaient de ce chèque en 2018. Afin d’automatiser le dispositif et ainsi prendre en compte la taille des foyers, un travail est mené par le syndicat en partenariat avec la CAF. Cette dernière modulation devrait être opérationnelle en 2023.

  • À noter également, que la réussite de cette opération, à la fois en termes d’économies d’eau réalisées mais aussi d’acceptabilité sociale, a été conditionnée par la campagne de sensibilisation importante débutée en amont de la mise en place de cette tarification éco-solidaire. Cette campagne se poursuit aujourd’hui lors des évènements culturel, sportifs, de loisirs ou autres, organisés sur le territoire Dunkerquois et auprès des scolaires (tableau 2)
    L’objectif de cette sensibilisation est triple :

    • expliquer aux usagers d’où provient l’eau qui coule de leur robinet et leur faire prendre conscience de son caractère précieux. Ils souhaitaient ainsi leur donner envie de l’économiser en devenant des acteurs de sa préservation ;
    • expliquer aux usagers le dispositif et ses avantages économiques, solidaires et écologiques. Notamment, il a fallu convaincre les plus gros consommateurs de l’intérêt solidaire de l’augmentation de leur facture au profit des plus précaires ;
    • leur donner des clés pour mieux consommer, c’est-à-dire à la fois maîtriser et réduire leur consommation par des gestes simples du quotidien, l’acquisition de nouvelles habitudes.

Tableau 2: Exemples de méthode de sensibilisation des usagers

Par ailleurs, la mise en place d’un dispositif de tarification sociale nécessite un travail minutieux de gestion de données pour recouper les populations cibles avec les abonnées des SPEA et un temps humain assez conséquent au démarrage pour, à la fois, bien évaluer les spécificités locales, réaliser le plan de communication, mais aussi par la suite pour poursuivre la sensibilisation de la population. Ces coûts de fonctionnement doivent être pris en compte dans le budget déjà onéreux pour financer la phase d’étude et de mise en place du dispositif, nécessaire pour une bonne adéquation avec le contexte local.

L’aboutissement d’un tel projet nécessite une volonté politique forte et une ingénierie tarifaire adéquate. Ceci explique sans doute en partie le bilan mitigé de la loi « Brottes », publié en 2021 : peu de collectivités se sont emparées de ce dispositif en dehors de celles déjà engagées dans l’expérimentation.

Toutefois, l’ouverture de ce dispositif à l’ensemble des collectivités territoriales chargées du service public d’eau et d’assainissement (SPEA) suite à l’adoption de l’article 15 de la loi « Engagement et proximité » du 27 Décembre 2019 et notamment la boîte à outils mise en place par le ministère de la transition écologique devraient faciliter le déploiement de ce type de mesures.

  • Afin de permettre une généralisation de cette politique sur le territoire, voici les principales recommandations issues de la mission « flash » sur le bilan de l’expérimentation d’une tarification sociale de l’eau lancée par la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale :
    • Les plans d’actions destinés à améliorer les conditions d’accès à l’eau doivent être adaptés aux problématiques et politiques sociales locales. Pour ce faire, il est indispensable de connaître de manière très précise les usages, les modes de consommation de l’eau et les indicateurs de précarité hydrique ;
    • Le dispositif de tarification sociale doit être associé à des aides financières complémentaires, notamment lorsque l’eau continue de coûter plus de 3% des revenus ou encore pour les familles nombreuses pénalisées par ce type de mesure ;
    • Le dispositif n’a de sens que si la part fixe de la facture n’est pas trop élevée
    • Le dispositif doit être simple, sans contraintes d’utilisation pour les usagers et le coût de gestion doit rester le plus faible possible. Pour cela, l’accès automatique à l’aide financière est indispensable ;
    • Au-delà des transferts de données par les CPAM et les CAF, une coopération avec les CCAS est tout aussi nécessaire compte tenu de leur connaissance des ménages en difficultés ;
    • Le dispositif doit s’accompagner d’actions de prévention et de sensibilisation à une consommation raisonnée de l’eau mais aussi pour promouvoir l’eau du robinet tant sur le plan économique qu’écologique ;
    • La collectivité doit en parallèle engager un travail sur la détection de fuites d’eau dans les réseaux d’eau potable afin que la tarification sociale de l’eau ne serve pas à compenser des surfacturations dues à celles-ci.

Une tarification solidaire a été mise en place à Bruxelles le 1er janvier 2005. Cette tarification, qui avait pour vocation d’être à la fois solidaire et écologique, repose sur le principe d’un prix croissant de l’eau en fonction du volume total consommé par personne, selon 4 tranches (vitale, sociale, normale et de confort).
Un article publié dans la revue Brussels Studies en 2021 a montré que malgré son bien-fondé, le contexte local peut conduire à l’échec de ce dispositif. Notamment, dans le cas de la région de Bruxelles, les scientifiques impliqués dans cette étude ont montré que cette tarification n’avantageait pas les plus pauvres ou encore n’avait pas de lien direct avec la baisse de consommation en eau des ménages.

  • Plusieurs éléments peuvent être à l’origine de cet échec :
    • Près de 2/3 des compteurs sont collectifs dans le Bruxellois ce qui induit une tarification arbitraire et non progressive. Le montant de la facture d’eau des foyers dépend de la consommation des autres foyers et non de leur propre consommation.
    • La tarification tient compte du nombre de personnes inscrites au Registre national et non du nombre effectif de personnes vivant dans le logement. Or, il peut exister une différence substantielle entre le nombre de personnes inscrites au Registre national et nombre réel d’occupants du foyer.
    • En cas de fuites ou d’installation défectueuse, le montant de la facture augmente et ce sont souvent les plus précaires qui sont impactés par ces problèmes, faute de pouvoir renouveler leur installation.
      Conscient que les ménages disposant d’un compteur collectif étaient d’avantage pénalisés par ce dispositif que favorisés, la tarification est redevenue linéaire pour ces ménages.
      Ainsi, sans volet social la tarification profite à ceux qui consomment moins d’eau, indépendamment de leurs revenus.

L’expérience de Dunkerque montre donc que pour garantir la réussite de la tarification sociale (baisse des coûts pour les ménages précaires et économies d’eau globales), une adéquation entre le dispositif et les spécificités locales est indispensable.

Aspects économiques

Le projet de tarification sociale, progressive et incitative de l’eau a coûté environ 180 000 € au SED. Ce montant englobe le temps passé, le plan de communication et les deux années nécessaires à sa mise en place.
La gestion complémentaire de la facture d’eau génère, quant à elle, un surcoût de 1,5 centimes par m3 d’eau.
Ce montant n’étant pas négligeable, il peut constituer un frein à la mise en place d’un tel dispositif, notamment pour les petites collectivités.

Ils l’ont fait, ils en parlent

« La réussite d’un dispositif de tarification sociale de l’eau est conditionnée par son adéquation avec les spécificités locales et donc une bonne connaissance du contexte local et notamment des usagers et de leur mode de consommation. Pour ce faire, une prise de contact avec les bailleurs sociaux, les CPAM, les CAF ou encore les associations d’aide aux plus précaires est indispensable.
De plus, ce type de dispositif ne peut fonctionner sur le plan écologique et en termes d’acceptabilité sociale, sans une campagne de sensibilisation de l’ensemble des usagers pour l’expliquer, donner des méthodes et outils permettant de mieux consommer/économiser l’eau. Le caractère à la fois écologique et solidaire est porteur pour le faire accepter de tous. »

Fabrice Mazouni
Directeur général des services au Syndicat de l’Eau du Dunkerquois.
Dernière modification le 02/04/2024

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