L’irrigation légèrement déficitaire, une nouvelle approche de la stratégie d’irrigation

AGRICULTURE, IRRIGATION

Contexte

Le changement climatique se traduit sur les systèmes agricoles par un recours à l’irrigation de plus en plus fréquent et de ce fait une pression accrue sur les ressources en eau elles-mêmes impactées par ailleurs. Face à ce déséquilibre croissant entre ressources et usages, mieux gérer l’eau à la parcelle est devenu indispensable pour allier préservation des ressources en eau et maintien des productions agricoles.

Résumé

Jusqu’à présent les outils d’aide à la décision en matière de pilotage d’irrigation ont pour objectif d’optimiser un volume d’eau pour atteindre un rendement maximal. Or, si on considère certaines variables de coût (eau et électricité), le revenu maximum n’est pas forcément obtenu lorsqu’on atteint le rendement maximal. Une nouvelle approche de stratégie d’irrigation consisterait à prendre en compte ce lien entre revenu et rendement en intégrant ces variables.

Figure 1: Principe d’incitation à une irrigation légèrement déficitaire, et récompensée (Bruno Cheviron, Mars 2022).

Quelques explications

La courbe 1 sur le graphique, représente la fonction de production, c’est-à-dire le rendement en fonction du cumul d’irrigation. Sans irrigation, la biomasse produite est d’autant plus faible que la saison est sèche. L’irrigation est alors indispensable au maintien d’une productivité mais l’optimiser est d’autant plus crucial et difficile que les contraintes sont fortes (restrictions, quotas, tours d’eaux espacés, sols légers).
À l’inverse, plus on irrigue, plus on approche du rendement maximum, mais dans le même temps la productivité de l’irrigation diminue car les variables de coût (électricité, eau) feront que l’irrigation finira par coûter plus cher qu’elle ne rapporte (courbe 2).
Ainsi, le maximum de revenu est atteint pour un cumul d’irrigation inférieur à celui qui est nécessaire pour atteindre le maximum de rendement. Ceci pourrait représenter à lui seul une forme d’incitation à une irrigation raisonnée pour diminuer la pression sur les ressources en eau.

Petit plus

  • Jusqu’ici les compensations financières de type MAEC (Mesures Agroenvironnementales et Climatiques) ou PSE (Paiements pour Services Environnementaux) privilégient l’aspect qualitatif par rapport à l’aspect quantitatif. Mais ces mesures constituent un levier puissant et introduire une composante quantitative ne pénaliserait guère les irrigants et pourrait faciliter la gestion des débits ou des nappes en tension.

    L’idée serait de récompenser financièrement la productivité d’une stratégie d’irrigation (courbe 3) par un terme qui s’ajouterait au terme du revenu dans le calcul du gain financier total (courbe 4), afin d’inciter les agriculteurs à une irrigation légèrement déficitaire.

    Le remplissage en eau des sols pourrait être la variable manquante. Ainsi, si ce remplissage est modéré et qu’il est nécessaire de protéger les ressources en eau, le rendement et, de ce fait le revenu, ne seront pas optimaux mais les mesures de compensation financière combleront en partie ce manque à gagner. Ce système de récompense inciterait donc à une irrigation raisonnée tout en rendant viable économiquement une irrigation légèrement déficitaire et des rendements sous-optimaux.

     

Date

2022

Dernière modification le 23/11/2023

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