Utiliser les eaux d’exhaure pour arroser les espaces verts (Dijon Métropole).

COLLECTIVITESRESSOURCES ALTERNATIVES

Lors de la création de ses deux lignes de tramway, le Grand Dijon a choisi d’installer une plateforme enherbée arrosée par les eaux d’exhaure d’un parking souterrain. Cette ressource en eau alternative, jusqu’alors pompée par nécessité pour mettre hors d’eau le parking, et rejetée sans usage dans les réseaux d’assainissement, fournit annuellement les 100 000 m3 d’eau nécessaire à l’arrosage des pelouses des 17 kilomètres de tram, des espaces verts environnants, ainsi qu’au lavage des stations et à l’alimentation des bouches à incendies. Les eaux d’exhaure pompée à un débit de 450 m3/jour sont stockés dans des réservoirs historiques, puis acheminés par un réseau d’eau brute.  L’ensemble des travaux de restauration et d’installation des canalisations, dont le coût s’élève à plusieurs millions d’euros, ne représente qu’une faible part du budget total du tramway d’environ 400 millions d’euros. De plus, l’existence de cette trame verte au sein de la ville, préférée à une option plus minérale, apporte de nombreux bénéfices annexes.

Alerte maladaptation !
Le présent retour d’expérience ne doit pas être lu comme une incitation à construire des parkings souterrains en nappe alluviale ou à développer outre mesure des espaces verts publics dont l’arrosage nécessiterait des ressources en eau supplémentaires. Cf le paragraphe « Limites et conditions de réussite ».

Contexte

Le Grand Dijon, devenue Métropole en 2017, est composé de 23 communes réparties entre un cœur de ville très urbain et de vastes espaces naturels préservés. À l’aube des années 2000, le réseau de bus montre ses limites : trafic encombré, taux de pollution élevé, bruit dérangeant, nombre de bus insuffisant. À cela s’ajoute l’augmentation progressive de la population qui frôle les 160 000 en 2020. La collectivité décide donc de se doter d’un réseau de « transport en commun en site propre ». En 2008, les élus du Grand Dijon votent à l’unanimité la mise en service de deux lignes de tramway.

Figure 1 : Parc, Dijon (Pixabay).

Problématique et objectifs

Dans le cadre du projet de tramway, le Grand Dijon réfléchit au type de plateforme qu’elle souhaite installer. La Métropole analyse deux options : une plateforme minérale et une plateforme enherbée. Cette dernière emporte l’adhésion, en dépit d’un entretien plus exigeant. La solution végétalisée présente plusieurs avantages : paysage, bien-être, évitement de l’îlot de chaleur de la solution minérale, infiltration des pluies permise par la désimperméabilisation de l’emprise du tram, etc. En développant la « nature en ville » cette option constitue une Solution d’Adaptation Fondée sur la nature caractérisée par ces services induits.

Les élus conditionnent cependant ce choix à la possibilité de ne pas utiliser d’eau potable pour l’arrosage. L’Agglo demande donc à la Lyonnaise des eaux, son délégataire pour les services d’eau et d’assainissement, de lui proposer une solution pour arroser ces espaces verts à partir d’une ressource en eau alternative.

Solutions et résultats

La Lyonnaise des eaux lui présente une solution innovante : la réutilisation des eaux d’exhaure du parking de Trémouille. Ce parking creusé dans un sous-sol sédimentaire occupé par une nappe alluviale nécessite un pompage permettant d’assurer son maintien hors d’eau. L’eau pompée à hauteur de 200 000 m³/an est essentiellement rejetée jusqu’alors sans usage dans le réseau des eaux usées. L’objectif est ainsi d’utiliser une ressource alternative à l’eau potable pour arroser la plateforme enherbée du tramway de Dijon Métropole.

Localisé dans le centre-ville de Dijon, le parking de Trémouille plonge ses sous-sols et fondations dans la nappe phréatique et sa mise hors d’eau nécessite un drainage permanent.
Dans les villes fondées historiquement sur une plaine alluviale en bord de rivière, les immeubles comportant plusieurs niveaux de sous-sols (souvent utilisés en parkings) sont de fait implantés dans la nappe phréatique et une partie des niveaux souterrains est située sous le niveau de la nappe. Les travaux de construction nécessitent la mise hors d’eau de la fouille, mais en phase d’exploitation définitive, il est également nécessaire de garantir le maintien hors d’eau des sous-sols, même si ceux-ci sont conçus pour être étanches.

  • Ainsi, en phase définitive, plusieurs dispositifs sont nécessaires :
    • étanchéité des sous-sols (protection passive nécessitant de connaître les fluctuations de la nappe) ;
    • compensation de la pression hydrostatique par des dispositifs constructifs comme le lestage ou des tirants profonds,
    • drainage actif des eaux souterraines pour réduire ou éliminer la pression hydrostatique en rabattant la nappe jusqu’au niveau du sous-sol bas. Ceci nécessite de connaître les données hydrodynamiques de la nappe pour estimer les débits d’exhaure, mais aussi de disposer d’un point de rejet en eau superficielle ou de réinjection vers la nappe.

Pour en savoir plus : Fiche-GES (archambault-conseil.fr) « GESTION DES EAUX SOUTERRAINES – MISE HORS D’EAU DES STRUCTURES ENTERREES », et Etude technique des infrastructures nécessaires à la réutilisation des eaux d exhaure d’un parking enterré – PDF Téléchargement Gratuit (docplayer.fr)

Depuis la mise en service du tramway de Dijon en 2012, 100 000 m³ d’eau d’exhaure, pompés à 450 m³/jour, sont utilisés chaque année pour arroser la plateforme enherbée et les espaces verts à proximité. Une partie est également disponible pour le lavage des stations du tramway et l’alimentation des bouches à incendies.

Dès 2008, la ville de Nancy a entamé des travaux pour restaurer les réservoirs historiques de Montmuzard et de Darcy, ainsi que pour installer le réseau de canalisation nécessaire. Ces deux réservoirs, reliés entre eux par une canalisation d’équilibre, permettent de stocker un volume total de 5500 m³. Lorsqu’ils sont pleins, le surplus est déversé dans la rivière voisine.

Le Grand Dijon a également mis en place un réseau d’eau brute qui pompe l’eau stockée dans ses réservoirs et les achemine tout au long des 17km de tram. Chaque station du tramway est ainsi desservie par une station de pompage qui permet d’arroser la pelouse du tram et les espaces verts environnants, de laver l’arrêt de tram et d’alimenter les bouches à incendies localisées à proximité. L’utilisation de cette eau pour l’arrosage des espaces verts est assurée par le service espaces verts de la Ville.

L’eau qui circule dans ce réseau est utilisée sans traitement préalable. Elle est régulièrement échantillonnée pour s’assurer de sa qualité sanitaire, notamment bactériologique. Cependant, peu de problèmes ont été constatées du fait notamment de la qualité initiale de l’eau prélevée dans la nappe, ainsi que du faible temps de séjour de l’eau dans les réservoirs et réseaux. En cas de nécessité, la collectivité envisage de réaliser une chloration pour détruire les bactéries indésirables.

Limites et conditions de réussite

Le projet de réutilisation des eaux d’exhaure pour l’arrosage des espaces verts a été mené dans le cadre d’un projet plus large et particulièrement innovant. Plusieurs solutions singulières ont en effet été retenues par le Grand Dijon : partenariats public-privé pour la fourniture d’énergie ou pour le renouvellement et la maintenance d’une flotte de bus hybrides, commande groupée des rames avec l’agglomération de Brest… Cet esprit d’innovation a favorisé le choix des eaux d’exhaure, une ressource en eau originale pour l’arrosage des espaces verts.

Depuis 2012, les volumes d’eau verte stockée ont été globalement suffisants pour assurer l’arrosage des espaces verts du tramway, notamment pendant la période critique du 1er au 15 juillet. Avec les sécheresses prolongées de ces dernières années, il a cependant été ponctuellement nécessaire de compléter ces volumes d’eau stockée avec de l’eau prélevée en rivière.

Par ailleurs, le débit de pompage des eaux d’exhaure a légèrement diminué ces dernières années. Cette réduction n’est cependant pas dû à une baisse du niveau de la nappe (suivi par piézométrie depuis quelques années). Une explication possible est le colmatage des drains du parking. Des travaux seraient nécessaires pour en assurer le décolmatage.

Le présent retour d’expérience ne doit pas être lu comme une incitation à construire des parkings souterrains en nappe alluviale ou à développer outre mesure des espaces verts publics dont l’arrosage nécessiterait des ressources en eau supplémentaires. Cf le paragraphe « Limites et conditions de réussite ».

Par ailleurs, le débit de pompage des eaux d’exhaure a légèrement diminué ces dernières années. Cette réduction n’est cependant pas dû à une baisse du niveau de la nappe (suivi par piézométrie depuis quelques années). Une explication possible est le colmatage des drains du parking. Des travaux seraient nécessaires pour en assurer le décolmatage.

La construction de plusieurs niveaux de sous-sols d’immeubles en-dessous du niveau de la nappe alluviale pose question, même s’il s’agit d’une réponse au besoin de densification urbaine des métropoles. Au regard du grand cycle de l’eau et dans un contexte de changement climatique, l’extraction à perte d’importants volumes tirés de la nappe phréatique doit être questionnée. Cette situation existe dans de nombreuses villes situées en plaine alluviale et se traduit par un pompage permanent avec rejet sans usage d’eau de la nappe pour garantir la mise hors d’eau de l’immobilier en sous-sol.  

Par ailleurs, la végétalisation des espaces urbains nécessite désormais d’être pensée dans un esprit de sobriété, en particulier par le choix des essences. Dans le cas contraire, le choix de développer la nature en ville quel qu’en soit son coût hydrique, pourrait constituer une mal-adaptation. Divers outils sont développés en ce sens (ARBOClimat et Sesame, deux outils pour choisir les essences les plus adaptés localement). Les Solutions d’Adaptation Fondées sur La Nature offrent une approche globale de cette question, en répondant à plusieurs défis, comme le propose la définition de l’UICN (Les Solutions Fondées sur la Nature pour les risques liés à l’eau en France (Comité français de l’UICN)).

En ce sens, la solution adoptée par la Métropole de Dijon met en correspondance une SAFN créant un nouvel usage consommateur d’eau, avec une extraction « fatale » d’eau préexistante. La solution présentée vaut pour le moindre mal qu’elle représente en termes d’usages de l’eau.

Aspects économiques

Les travaux pour l’installation du réseau de canalisation et de pompage, ainsi que la restauration des réservoirs ont coûté plusieurs millions d’euros. Ce montant ne représente cependant qu’une faible partie du budget total du projet de tramway, estimé à 400 millions d’euros.

Annuellement, les charges de fonctionnement de ce système sont d’environ 80 000 euros. Cependant, l’existence d’une plateforme enherbée de 7 hectares à travers la ville apporte des bénéfices non chiffrés mais importants liés à la valeur paysagère associée à la trame verte dans la ville, à la déminéralisation-végétalisation introduisant des îlots de fraîcheur et à l’infiltrabilité des plateformes enherbées.

Ils l’ont fait, ils en parlent

« Ce type de projet est un bon moyen de résoudre le problème des eaux d’exhaure du parking, qui seraient rejetées dans le réseau des eaux usées sinon. Pour la ville de Dijon, cette solution a été intégrée à un très gros projet mais je pense que ce type de système est reproductible à plus petite échelle pour arroser les espaces verts à proximité des parkings souterrains. »

Claude Valentin
directrice du service eau et réseaux de Dijon Métropole

Contact

Claude Valentin
Directrice du service eau et réseaux

cvalentin@metropole-dijon.fr

Dernière modification le 26/03/2024

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