Piloter l’irrigation grâce à des sondes de suivi de l’humidité du sol et des conseils individuels (Aqualis®)

AGRICULTURE, IRRIGATION

Afin d’optimiser au mieux ses apports d’eau, M. Durand, agriculteur en grandes-cultures dans le département du Lot-et-Garonne, a fait l’acquisition de sondes de suivi de l’humidité du sol. Il utilise une application d’aide au pilotage de l’irrigation et bénéficie de conseils personnalisés depuis 2018.
L’utilisation de cet outil et les conseils personnalisés lui ont permis d’améliorer l’efficience de son irrigation et ainsi d’augmenter son rendement sans augmenter sa consommation d’eau.

Ce retour d’expérience est à valoriser et reproduire par d’autres porteurs de projets, en prenant garde au risque d’effet rebond. En effet, le pilotage de l’irrigation représente un important gisement d’efficacité des volumes utilisés mais en optimisant ainsi l’utilisation du volume qui lui est alloué, l’agriculteur va souvent le valoriser en augmentant sa surface irriguée, et plus rarement renoncer à une partie de son quota. Cela traduit le fait que l’eau est souvent un facteur de production limitant à l’échelle de l’exploitation.
Cette bonne pratique est donc à déployer dans la dynamique d’économie d’eau d’un programme de retour à l’équilibre quantitatif développé à l’échelle d’un bassin versant ou d’une nappe.

Contexte

Dans le Lot-et-Garonne, l’agriculture occupe une place prépondérante puisque la Surface Agricole Utile (SAU) recouvre 53% du département, soit 274 300ha cultivés répartis en 7000 exploitations (Agrinove, 2020). Les filières les plus représentées sont les cultures maraîchères et légumières ainsi que les grandes cultures de céréales et de semences qui occupent 60% de cette SAU. Parmi ces 60%, un gros tiers correspond aux céréales à paille, un petit tiers aux oléo-protéagineux (tournesol, colza, pois) et un petit tiers de maïs.

Dans un objectif d’intensification mais surtout de sécurisation des rendements, l’irrigation s’est développée à partir des années 1960. Aujourd’hui, environ un tiers de la SAU totale du département est irrigué et cette irrigation concerne une large gamme de productions végétales : maïs, vergers, légumes, semences… (Atlas des paysages du Lot-et-Garonne). Cette augmentation des surfaces irriguées a entraîné des modifications importantes des conditions d’équilibre des milieux aquatiques. Ce déséquilibre entre ressources et usages, notamment en été lorsque les débits des cours d’eau ne permettent plus de satisfaire les besoins agricoles, a eu pour conséquence le classement, en 1995, de l’ensemble du département du Lot-et-Garonne en Zone de Répartition des Eau, ZRE (Arrêté préfectoral n°95-0887 du 9 mai 1995 portant classement des communes du département du Lot-et-Garonne, en zone de répartition des eaux).

Ainsi, pour allier préservation des ressources en eau et sécurisation de leur production en quantité et en qualité, les exploitants agricoles se voient donc dans l’obligation d’améliorer l’efficience de leur irrigation. Un des principaux leviers à leur disposition est le pilotage de l’irrigation mais celui-ci est d’autant plus efficace qu’il fait aussi l’objet d’un accompagnement par des experts.

paysage eau et champs

Figure 1 : Paysage agricole diversifié du Lot-et-Garonne (ACMG)

Problématique et objectifs

M. Durand possède une exploitation de 135ha en grandes cultures (Blé, Maïs pop-corn, sorgho), irriguée en totalité, dans le département du Lot-et-Garonne. L’irrigation étant indispensable à sa production et dans un contexte de pression de plus en plus forte sur les ressources en eau, optimiser ses apports d’eau, aux plus près des besoins des plantes, est devenu primordial pour maintenir son rendement.

Solutions et résultats

M. Durand a fait l’acquisition de 5 sondes capacitives qui ont été réparties sur l’ensemble de son exploitation à raison d’une sonde pour 20ha environ.
Il utilise depuis 5 campagnes d’irrigation une application web d’aide au pilotage de l’irrigation (Aqualis®), basé sur la mesure en temps réel de l’humidité du sol grâce à des sondes capacitives (figure 1). L’avantage des sondes capacitives est qu’elles permettent la mesure de l’humidité du sol en millimètre d’eau tous les 10cm de profondeur.

Cet outil facile d’utilisation permet, grâce à une observation simple et rapide de graphiques sur smartphone ou ordinateur, de suivre en temps réel l’évolution de l’état hydrique du sol et l’impact de l’irrigation sur celui-ci. La prise de décision est ainsi facilitée (figure 2).

Figure 2 : Sonde Sentek installée
dans une parcelle agricole (Agralis)

En parallèle de son adhésion à cette application, M. Durand a souhaité bénéficier du service de conseils personnalisés proposé en lien direct avec son application Web. Ces conseils permettent notamment d’évaluer quelle quantité d’eau apporter au bon moment pour un pilotage optimal de l’irrigation, au plus près des besoins de la culture. L’objectif étant de rester dans la zone verte (réserve facilement utilisable, RFU), indiquant le maintien d’un confort hydrique optimal dans la parcelle. En zone rouge, la plante est en stress hydrique et n’a donc pas assez d’eau pour couvrir ses besoins et se développer correctement. À l’inverse, en zone bleu, l’excès d’eau crée une asphyxie du sol, empêchant le bon fonctionnement des racines par manque d’oxygène (figure 3). De plus, la mesure de l’humidité du sol tous les 10 cm de profondeur permet d’évaluer le bon fonctionnement du sol (profondeur d’infiltration de l’eau), ainsi que le bon développement des racines grâce à l’analyse de sa profondeur d’enracinement (figure 4).

Figure 3: Courbes représentant l’humidité du sol à différentes profondeurs visualisables sur l’interface d’Aqualis (Agralis)

Figure 4 : Interface de visualisation des courbes d’humidité sur l’application Aqualis (Agralis)

Ainsi, l’installation de matériels de pilotage de l’irrigation et l’adhésion à un outil de pilotage et à un service de conseils personnalisés permet à M. Durand de mieux répartir les apports d’eau mais aussi de démarrer et d’arrêter l’irrigation au bon moment, connaissant la réserve d’eau de son sol.
De façon générale, il commence à irriguer ses parcelles autour du 20 Juin, plus tôt qu’auparavant, et l’arrête autour du 15 Septembre. Son objectif est d’optimiser l’utilisation de son volume d’eau disponible et ainsi augmenter son rendement. Par conséquent, il ne réalise pas d’économie d’eau, mais pour un volume alloué, il sécurise et améliore sa production.

Limites et conditions de réussite

La première difficulté lorsqu’on souhaite mettre en place un système de pilotage de l’irrigation sur son exploitation est le choix du type de sonde et leur nombre. En effet, celui-ci va dépendre de la profondeur d’enracinement de la culture, du système d’irrigation, mais aussi des options souhaitées par l’agriculteur : mesure de la température, de la salinité du sol, …

Ainsi, alors que certains achètent une seule sonde pour l’ensemble de leur exploitation, d’autres équipent chacune de leur parcelle. Un bon compromis est d’utiliser une sonde pour un même couple culture/sol et de prendre en compte le nombre de systèmes d’irrigation différents présents sur l’exploitation. En effet, pour une exploitation utilisant un système d’irrigation apportant la même quantité d’eau à l’ensemble de l’îlot cultural (comme un enrouleur ou un pivot), l’acquisition d’une seule sonde suffit.

Un autre élément indispensable à prendre en compte est le choix du lieu d’implantation de la sonde. En effet, celle-ci doit être positionnée dans une zone représentative des caractéristiques du sol (texture, structure) et des pratiques culturales.

Une sonde capacitive permettant de mesurer une humidité à plusieurs profondeurs différentes, il n’est donc pas nécessaire d’installer plusieurs sondes, à plusieurs profondeurs différentes, comme dans le cas des sondes tensiométriques. Cependant, le choix du lieu d’implantation sera d’autant plus important pour irriguer de la manière la plus efficiente possible.

La qualité de l’analyse des données, notamment le paramétrage de l’outil en début de saison (réserve utile, texture et structure du sols, …), est essentiel pour la réussite du pilotage pour l’ensemble de la saison de l’irrigation. C’est pourquoi le service agronomie du prestataire fixe gratuitement les seuils au pilotage de l’irrigation sur l’ensemble des sondes déployées afin de permettre aux agriculteurs de piloter leur irrigation sereinement. De plus, associer une station météo et, notamment des pluviomètres à ces sondes, permet un pilotage encore plus fin.

Enfin, il est nécessaire de réfléchir à l’intérêt de sondes capacitives par rapport à des sondes tensiométriques. En effet, les sondes capacitives proposent une donnée très détaillée, ce qui peut présenter un décalage par rapport à la précision modeste de certains systèmes d’irrigation, même si la connaissance de la profondeur d’enracinement en temps réel de la culture est un élément très intéressant pour l’agriculteur. Notamment, dans le cadre d’expérimentations, l’utilisation de sondes capacitives peut s’avérer pertinent pour produire des références sur d’autres cultures comme les couverts hivernaux ou les méteils.

Pour atteindre l’objectif du Comité de bassin Adour-Garonne de réduction de deux tiers du déficit quantitatif structurel en eau, soit 850 millions de m3 d’ici 2050, la politique de l’eau ne peut s’exonérer d’une gestion ambitieuse de la demande, ce qui « suppose des choix politiques, économiques, institutionnels, juridiques et techniques et passe par une implication plus importante des usagers de l’eau afin qu’ils deviennent acteur de leur consommation et protecteur de leur environnement » (Blanc et Brusse, 2007).

Dans le domaine agricole, le pilotage de l’irrigation représente un important gisement d’efficacité des volumes utilisés mais en optimisant ainsi l’utilisation du volume qui lui est alloué, l’agriculteur va souvent le valoriser en augmentant sa surface irriguée, et plus rarement renoncer à une partie de son quota. Cela traduit le fait que l’eau est souvent un facteur de production limitant à l’échelle de l’exploitation. D’autres considérations peuvent entrer en compte (disponibilité du matériel d’irrigation, temps de travail supplémentaire, anticipation de l’assolement susceptible de valoriser l’eau, …).

Les objectifs collectifs d’économie d’eau peuvent ainsi se trouver hypothéqués par les stratégies individuelles de maximisation de la production.

  • En matière d’irrigation, deux nouvelles approches apparaissent :
    • L’irrigation résiliente pratiquée dans certaines régions du sud de la méditerranée, sur des exploitations conduites en agroécologie. Il s’agit d’une irrigation non systématique qui va s’adapter aux conditions météorologiques et de mise en culture de l’année afin de garantir une bonne implantation de la culture et un maintien de la qualité de la production (INRAE, 2022)
    • L’irrigation légèrement déficitaire, une nouvelle approche stratégique de pilotage proposée par le monde de la recherche. Elle consiste à prendre en compte le lien entre revenus et rendement des irrigants en intégrant des variables de coûts (eau et électricité) dans les moteurs de calcul des outils de pilotage. Le maximum de revenu est atteint pour un cumul d’irrigation inférieur à celui qui est nécessaire pour atteindre le maximum de rendement.

Pour en savoir plus, vous pouvez accéder au dossier sur le pilotage de l’irrigation .

Aspects économiques

Pour les agriculteurs, l’adhésion au service d’Agralis présente deux principaux coûts : l’achat d’une ou plusieurs sondes capacitives et le suivi sur l’application Aqualis. Pour ces deux services, ils peuvent bénéficier d’aides du Plan de relance et/ou des programmes opérationnels des organisations de producteurs reconnus (Tableau 1).

Tableau 1 : Coût des services d’Agralis et aides dont peuvent bénéficier les agriculteurs (Agralis)

Ils l’ont fait, ils en parlent

« L’outil Aqualis est simple et intuitif. Il m’est indispensable pour adapter au plus juste l’irrigation selon les besoins de la plante. Ça me permet de mieux répartir les apports tous au long de la saison d’irrigation. Pour un novice, les conseils fournis par Agralis sont d’une véritable plus-value pour déclencher l’irrigation au bon moment en fonction des modalités d’irrigation de l’exploitation »

Jean-Baptiste Durand
agriculteur céréalier sur 135 ha de cultures irriguées dans le Lot-et-Garonne

« Les sondes capacitives sont fiables et robustes. Les données, exprimées en quantité d’eau dans le sol sont des informations « parlantes » pour les agriculteurs. De plus, les mesures tous les 10 cm de profondeur permettent d’observer l’enracinement de leurs cultures. Avant d’investir dans ces sondes, il faut cependant bien réfléchir à ses besoins réels en termes de connaissance et de précision »

Alexandre Paboeuf
conseiller agro-environnement à la Chambre d’Agriculture de Charente-Maritime

Contacts

Le dispositif présenté dans cette fiche est le système Aqualis de la société Agralis. Les sondes utilisées sont de la marque Sentek.

Elodie Patelli,
Responsable commerciale et agronomie
epatelli@agralis.fr

Alexandre Paboeuf,
Conseiller agro-environnement,
alexandre.paboeuf@cmds.chambagri.fr

Dernière modification le 23/09/2024

Ce document a été réalisé avec l’aide financière de :

Fiches associées

Dans un objectif de faciliter le déploiement de la réutilisation des eaux usées traitées pour irriguer la vigne par un système de goutte-à-goutte, la première phase du projet Irri Alt’Eau (2013-2015) avait

L’action collective nécessaire pour atténuer le changement climatique et s’y adapter est extrêmement difficile à réaliser, en grande partie à cause des préjugés socio-idéologiques qui perpétuent les représentations

Un projet pilote de réutilisation des eaux usées traitées pour irriguer des vignes est en cours sur la commune de Roquefort des Corbières dans le département de l’Aude. Ce projet, porté par BRL Exploitation et co-initié par