Les Solutions fondées sur la Nature pour l’eau
2024 | Dossier
Préambule
Les Solutions fondées sur la Nature relèvent d’une approche par co-bénéfices : elles envisagent le bien-être humain et celui de la biodiversité comme allant de pair. Elles sont perçues et promues par les institutions comme des réponses appropriées et durables aux effets et aux aléas accélérés par le changement climatique. L’utilisation des Solutions fondées sur la Nature (SfN) dans le domaine de l’eau doit aujourd’hui être généralisée. Les écosystèmes s’annoncent en effet comme nos meilleurs alliés dans la lutte et l’adaptation aux effets des dérèglements du climat.
Mise au point
Issu d’une approche systémique, le concept de Solutions fondées sur la Nature offre une vision renouvelée de la « Nature » et de la relation que l’Homme entretient avec elle. Il met à jour les relations réciproques liant les êtres humains et les écosystèmes naturels. Ce terme, qui émerge en 2008 dans un rapport de la Banque mondiale relatif à l’adaptation au changement climatique et à la perte de biodiversité, est stabilisé en 2016 par l’UICN (Union internationale pour la Conservation de la Nature). Les Solutions fondées sur la Nature sont alors définies comme « les actions visant à protéger, gérer de manière durable et restaurer des écosystèmes naturels ou modifiés pour relever directement les défis de société de manière efficace et adaptative, tout en assurant le bien-être humain et en produisant des bénéfices pour la biodiversité ». Une Solution fondée sur la Nature allie ainsi nécessairement un bienfait social à un bienfait pour la biodiversité.
Un concept qui bouscule
Ce changement de perspective interroge et bouscule les façons de travailler. Il oblige à rompre avec le travail cloisonné en secteurs et pousse à concevoir dans le temps long, contrastant ainsi avec la temporalité des actions traditionnelles de réponse aux aléas climatiques (génie civil) ou avec les contraintes politiques de court terme. Il déstabilise aussi, car les SfN englobent des concepts opérationnels existants et parvenus à maturité, tels que les infrastructures vertes, l’ingénierie écologique ou la restauration écologique… Sorte de « concept parapluie », les Solutions fondées sur la Nature peuvent en effet correspondre à un large spectre d’actions en fonction de l’interprétation qui en est faite.
Ces éléments participent de la difficulté d’appropriation de ce concept par les acteurs, qui sont encore nombreux à juger la définition floue, à préférer des solutions « en dur », dites « grises », de génie civil, perçues comme plus fiables ou encore à considérer que les compétences de gestion des milieux sont bien antérieures à cette notion.
… et qui chemine
Malgré ces difficultés, le concept de Solutions fondées sur la Nature a progressivement été assimilé par les politiques publiques nationales puis locales, et des actions se déploient aujourd’hui sur le terrain. Afin d’accompagner cette diffusion, l’UICN a mis à disposition, en 2020, le premier référentiel pour les SfN reposant sur 8 critères (qui seront révisés tous les 4 ans).
Les 8 critères du standard mondial par l’UICN :
- Les SfN répondent efficacement à des défis de la société.
- La conception d’une SfN est une question d’échelle.
- Les SfN procurent des avantages nets à la biodiversité et à l’intégrité des écosystèmes.
- Les SfN sont économiquement viables.
- Les SfN reposent sur des processus de gouvernance inclusifs, transparents et habilitants.
- Les SfN trouvent un juste équilibre entre la réalisation de leur(s) objectif(s) principal(aux) et la prestation d’avantages multiples.
- Les SfN sont gérées de façon adaptative, sur la base de données probantes.
- Les SfN sont durables et inscrites dans un contexte de compétence approprié.
©UICN
Les Solutions pour l’eau
En matière d’eau, le panel des Solutions fondées sur la Nature est vaste. Actions diverses de restauration des zones humides, des cours d’eau et plus globalement des hydrosystèmes dans les bassins versants, végétalisation et désimperméabilisation des villes, pratiques agroécologiques… sont autant de voies pour protéger la ressource en eau. Elles atténuent les effets des sécheresses ou, au contraire, des excès d’eau, et offrent de nombreux services : soutien des débits d’étiage, ralentissement du ruissellement, infiltration de l’eau pluviale pour soutenir l’humidité des sols et la nature en ville, la recharge des nappes, l’épuration des eaux et réguler par la même occasion le ruissellement, l’érosion et les inondations. Sans compter les aménités naturelles qu’elles représentent et qui améliorent la qualité du cadre de vie.
Si les bénéfices de ce type de solutions pour la gestion de l’eau sont de plus en plus étudiés et confirmés par la recherche, les conditions permettant leur succès et leur dissémination doivent cependant encore être mises en évidence et largement diffusées ; c’est tout l’enjeu de ce dossier que la Plateforme consacre au concept de Solutions fondées sur la Nature.
Le suivi et la mesure des bénéfices en matière de gestion quantitative de l’eau comme de biodiversité doivent aujourd’hui être systématisés. Ces résultats sont en effet indispensables pour mieux comprendre l’action des écosystèmes et orienter les choix de SfN à déployer. Ils sont également des leviers importants de valorisation des projets axés sur ces solutions et permettent de mettre les SfN en regard d’alternatives d’adaptation paraissant a priori plus simples, mais qui – en définitive – sont souvent moins durables (comme les solutions grises).
Des estimations du potentiel de « stockage » de certaines zones humides ont été réalisées, mais les suivis permettant de confirmer ces évaluations ne sont généralement pas effectués. De même, si les SfN sont aujourd’hui utilisées pour améliorer la gestion des crues, il reste encore à quantifier leurs effets hydrologiques, leur contribution en matière de quantité d’eau retenue ou ralentie. Une réflexion méthodologique préalable s’avère ainsi nécessaire pour préciser la nature exacte de l’influence des SfN sur le cycle de l’eau et la mesurer avec rigueur. C’est dans cet esprit que les membres de l’Entente pour l’eau du grand Sud-Ouest demandent aux maîtres d’ouvrages aidés dans le cadre des appels à projet, d’instrumenter les sites faisant l’objet de SfN afin de préciser les flux et volumes en jeu.
C’est aussi dans cette optique que la Plateforme des bonnes pratiques pour l’eau a initié un référentiel d’actions pour le retour à l’équilibre quantitatif, visant à collecter les connaissances disponibles sur des sites ayant pu évaluer les flux et les volumes influencés par les projets mis en œuvre. Ce référentiel est à disposition des acteurs des territoires pour les aider à dimensionner ex-ante l’efficacité quantitative attendue des actions d’adaptation au changement climatique qu’ils pourront être amenés à déployer sur le terrain.
Les processus de mise en place de ces actions, qui nécessitent concertation, participation, communication et transversalité, sont également cruciaux. Il parait important de les porter à connaissance car ils obligent souvent les maîtres d’ouvrage à repenser les manières de travailler avec leurs partenaires et les parties prenantes.
Il en va de même pour la question des moyens humains et financiers, essentiels pour assurer la pérennité des Solutions fondées sur la Nature sur le long terme.
Des SfN aux SAfN : à toutes les échelles, la nature fait partie des stratégies d’adaptation
Des programmes de recherche aux politiques d’adaptation au changement climatique, les Solutions fondées sur la Nature font partie des stratégies privilégiées, à toutes les échelles. Le temps des Solutions d’adaptation fondées sur la Nature semble venu.
Au niveau européen, les SfN sont citées comme solutions d’avenir et font partie des stratégies d’adaptation préconisées. Elles bénéficient de plusieurs financements pour la recherche comme le programme de financement de la recherche de la Communauté européenne (CE), les financements Horizon Europe (NATALIE…), LIFE…
Au niveau national, le SfN font également partie du panel de stratégies d’adaptation et plusieurs programmes de recherche nationaux leur sont dédiés : le programme LIFE Artisan, le PEPR One Water-Eau bien commun ou le PEPR SOLU-BIOD notamment.
Sur le bassin Adour-Garonne, les régions Nouvelle-Aquitaine et Occitanie ont pleinement intégrées les Solutions fondées la Nature dans leur répertoire d’actions d’adaptation aux effets des dérèglements climatiques, tout comme l’Agence de l’eau. Parfois acteur de programmes de recherche (Nbracer, etc.), parfois financeur (Appel à projets Zones humides, etc.), les membres de l’Entente pour l’eau sont engagés en faveur des Solutions fondées sur la Nature. Le Comité de bassin Adour-Garonne a mis en place un groupe de travail élargi sur les SfN, piloté par la Commission des Milieux naturels. Ce groupe vise à fédérer les acteurs autour de cette thématique ; il a constitué un réseau de sites pilotes de SfN, qui permettra de collecter des références utiles pour leur déploiement dans le grand Sud-Ouest.
L’ensemble des actions recensées ci-dessous vise à renforcer les connaissances du fonctionnement des écosystèmes et à soutenir la capacité de tous les acteurs à concevoir, mettre en œuvre et évaluer les Solutions fondées sur la Nature pour l’eau.
Faites-nous part de votre projet si vous souhaitez qu’il rejoigne la liste des bonnes pratiques pour l’eau (et la biodiversité) du grand Sud-Ouest.
Catalogue sur les Solutions fondées sur la Nature
Les ressources présentées dans ce catalogue sont de nature et d’origine variées et nous avons fait le choix de les présenter dans une logique de montage de projet, avec par ordre chronologique : le diagnostic préalable et l’évaluation initiale, la réalisation et le volet opérationnel des actions, puis la mise en place d’un suivi et les résultats obtenus. Certaines ressources présentées sont des guides ou des retours d’expérience couvrant ces trois champs. La dernière partie regroupe quelques retours d’expérience (désimperméabilisation urbaine, zone d’expansion des crues, prise en compte dans les documents d’urbanisme, recharge artificielle de nappe, agroforesterie) ayant pu évaluer les volumes d’eau en jeu.
- Evaluation des volumes transitant dans les zones humides sur la Haute Vallée de l’Aude (11)
- Mesure de transit d’eau sur un sol tourbeux d’une molinaie dégradée (81)
- Rôle des Zones Humides de Têtes de Bassins (ZHTB) dans le soutien d’étiage des cours d’eau
- Restauration de végétation de bassins versants fournissant l’eau potable de Capetown (Afrique du Sud)
- Liens entre l’état de fonctionnalité des zones humides et les débits transitant en aval (Maronne, 19)
- Guide méthodologique et technique sur la restauration des zones humides
- Boite à outils des élus et des collectivités : eau et SfN (Partenariat français pour l’eau)
- Identifier un potentiel de renaturation à large échelle (Céréma)
- Arboclimat et Sesame : deux outils pour choisir les essences les plus adaptées localement
- Trois exemples de Solutions d’Adaptation fondées sur la Nature pour la rétention d’eau
- Guide méthodologique et technique sur la restauration des zones humides (Forum des Marais Atlantiques)
- Référentiel d’actions écologiques mobilisables en zones humides (PATRINAT)
- Boîte à outils « Végétalisons ! en Centre Val de Loire » (ARB)
- Les arbres de pluie – livret technique (Métropole du Grand Lyon)
- Plaquette La désimperméabilisation des sols : du principe à la mise en œuvre (Cerema)
- Suivi d’un réseau expérimental de réhabilitation de zones humides (29)
- Restauration des tourbières pour réduire l’impact des crues (Royaume-Uni)
- Évapotranspiration de tourbières (Canada, GB)
- Mobilisation des potentialités de l’agroécologie (projet BAG’AGES)
- Guide de la Méthode nationale d’évaluation des fonctions des zones humides (OFB)
- Hydrindic, suivi hydrologique des zones humides restaurées (INRAE)
- Infiltration des eaux pluviales (Aurillac)
- Stockage hivernal des crues (Tullstorpsån – Suède)
- Zone d’expansion des crues (Dijle River – Belgique)
- Recharge de nappe (Bosco – Italie)
- Retours d’expérience de projets de SAfN (LIFE Artisan)
- Les Solutions fondées sur la Nature pour les risques liés à l’eau en France (Comité français de l’UICN)
- Gérer les eaux pluviales dans les projets d’aménagement (La Rochelle)
- Retours d’expériences de SAfN urbaines (Repenser les écosystèmes par la planification, FNAU-LIFE Artisan)
- Adapter l’élevage ovin aux effets du changement climatique grâce à l’agroforesterie
- Intégrer les enjeux de la gestion quantitative de l’eau dans un PLUi (La Rochelle)
Le petit plus…
+ Portails de connaissances et de bonnes pratiques sur les Solutions fondées sur la Nature :
- Plateforme OPPLA (Oppla est un portail web européen où les dernières connaissances sur les Solutions fondées sur la Nature – venues de toute l’Europe – sont réunies. OPPLA permet d’accéder à un éventail de ressources, de retour d’expériences, de bonnes pratiques provenant de communautés scientifiques, politiques ou de pratiques européennes.
- NetworkNature est une communauté en ligne qui a pour but de faire émerger des coopérations locales, régionales ou internationales autour des SfN.
- Connecting Nature Enterprise est une plateforme permettant de connecter les entreprises travaillant avec et pour la nature.
- Nature4Cities est un portail interactif sur les SfN urbaines et les enjeux auxquels elles répondent.
+ Jeux sérieux et démarches innovantes autour des Solutions fondées sur la Nature :
- Mete’eau: un jeu sérieux pour encourager les échanges autour de l’eau ; la 3e version du jeu lie SfN et eau.
- Sim-Mana : un jeu sérieux de co-construction reposant sur les Solutions fondées sur la Nature pour mieux se protéger des inondations.
- Co’click’eau: une démarche participative permettant aux acteurs d’un territoire d’explorer collectivement des scénarios prospectifs d’évolution des pratiques agricoles, en évaluant leurs conséquences sur l’environnement, la rentabilité ou le temps de travail. Elle est mobilisable dans les aires de captage d’eau potable et dans tous les territoires où l’évolution de l’agriculture est en discussion.
+ Programmes de recherche sur les Solutions fondées sur la Nature :
Ce document a été réalisé avec l’aide financière de :